par N'Douli, Guy
Président du jury Heinderyckx, François
Promoteur Luffin, Xavier
Co-Promoteur Maniacky, Jacky
Publication Non publié, 2016-12-20
Thèse de doctorat
Résumé : Cette recherche a pour but de retracer le parcours du kituba en partant des faits linguistiques actuels jusqu’à ses origines précoloniales. Le kituba étant une langue sans écriture, nous avons procédé à la comparaison systématique des données synchroniques récoltées par nos soins durant nos multiples séjours de terrain à Brazzaville, à Pointe-Noire et à Nzassi (dernier village du Congo sur la route de Pointe-Noire vers le Cabinda). L’usage des données issues du proto-bantu comparées aux langues locales et au kituba a permis aussi bien d’ajouter la dimension diachronique à cette étude, que de créer un réel contraste qui a favorisé la mise en exergue de l’héritage koongo. Les langues comme le cilinji, le ciwoyo, le civili, le cisuundi, le cilaadi, le kisuundi de Kimongo, le kidoondo, le kikaamba, le kibeembe, le kihangala, le kimanyanga, le kiyoombi, le yoombe, le kitandu ou le kikuñi ; bref un nombre important de langues koongo ainsi que le lingala, le kukuya, le kitende, le nsong et les langues européennes comme le français, le portugais et l’anglais figurent parmi les pourvoyeuses. De la phonologie à la syntaxe en passant par la morphologie et la morphosyntaxe, les analyses ont révélé une profonde restructuration du kituba par rapport aux langues sources. Les grandes restructurations apparaissent surtout dans la production des démonstratifs, des possessifs, des TAM (Temps, mode et aspect) et dans les constructions morphosyntaxiques évoquant le passif, le relatif ou la négation. L’impact interdisciplinaire s’observe par la complémentarité entre la linguistique et l’histoire des peuples du Bassin du Congo. Ainsi, des traces linguistiques sont confirmées par les faits historiques relatant les différents contacts entre les populations en présence dans la zone et leurs voisins proches ou lointains. Les populations lingalaphones ont de toute évidence été des intermédiaires entre les locuteurs du fiote (ancêtre du kituba) et les populations swahiliphones et lubaphones (Est de l’Afrique). Les échanges commerciaux entre les locuteurs du lingala et ceux parlant swahili ont permis la transmission de quelques éléments linguistiques au kituba. Beaucoup de ces événements se sont produits à une période où les populations de la zone vivaient dans des conditions traumatisantes en subissant les rafles des négriers à l’affût des mains valides pour la mise en valeur de l’Amérique. À cela, on peut ajouter la colonisation, à la faveur de la Conférence de Berlin de 1885 avec tout son lot de violences, de privations et des actes de brutalité contre ce même peuple. L’entreprise coloniale a prospéré grâce à la main d’œuvre gratuite s’appuyant sur le système des travaux forcés. Dès lors, d’importants faits, aussi bien socio-historiques que linguistiques découverts peuvent être versés dans le lot des arguments qui plaident en faveur du caractère créole du kituba.