Résumé : Dans le contexte de la globalisation post-Guerre froide, l’affirmation de « nouvelles puissances » et l’avènement concomitant de clubs interétatiques tels que les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), dans un système international au demeurant dominé par les États-Unis, alimentent les réflexions contemporaines sur la puissance et sa distribution mondiale. Eu égard au rôle international et aux potentialités conférés par sa dimension géopolitique d’État-continent, le seul développement économique de la Chine en fait aujourd’hui un acteur international incontournable (force), alors même que le syncrétisme de son modèle de développement présenté comme un « socialisme aux caractéristiques chinoises », alliant en ce sens des mécanismes de l’économie de marché à des éléments hérités du marxisme-léninisme, lui confère une certaine forme de vulnérabilité constitutive (faiblesse). Si bien que l’énigme de sa puissance (nature) et l’ambivalence de sa réponse à la domination américaine (exercice) enjoignent au double dépassement théorique.La présente thèse, dans son objectif d’analyser la stratégie de construction de puissance de la Chine sur la scène internationale à travers le cas de sa pénétration en Amérique latine, repose dès lors sur un double postulat théorique : la puissance chinoise se définit comme une entreprise de reconnaissance mondiale toujours en redéfinition et au résultat incertain, qui s’opère dans un monde multipolaire en gestation au sein duquel les puissances émergentes rivalisent avec les États-Unis et l’Union européenne (UE) pour la domination. Mesurer l’influence de la Chine sur la scène mondiale, à travers sa capacité à se faire reconnaître comme un acteur international de référence par les autres puissances émergentes et plus encore par les puissances occidentales, procède dès lors également d’une méthodologie ad hoc : seul l’examen corrélé des pratiques des acteurs, étatiques ou autres, (réalité) et du sens qu’ils confèrent à leurs actions (discours) permet de mesurer pleinement l’impact de la représentation que la Chine a du monde, d’elle-même et de sa place dans ce monde, sur les préférences et comportements des autres acteurs du système international.Dans ce cadre, le raisonnement au cœur de la présente thèse s’appuie sur deux parties ou questions centrales. La première interroge la stratégie de construction de puissance de la Chine sur la scène internationale post-Guerre froide. Elle met au jour le poids de trois enjeux fondamentaux en interne dans la construction de son statut d’acteur mondial incontournable, à savoir le poids de l’identité nationale façonnée par l’histoire et l’idéologie, le poids du régime mû par une quête de légitimité structurelle et le poids des intérêts nationaux guidant nécessairement sa diplomatie. La seconde partie questionne ensuite empiriquement la façon dont la Chine construit sa puissance vis-à-vis de l’Amérique latine, région porteuse d’un projet politico-économique sur lequel influent historiquement les stratégies respectives des États-Unis et de l’UE. Elle met au jour le déploiement par la Chine d’une stratégie nécessairement duale de coopération et d’hégémonie visant à consolider sa puissance sans atrophier son ascension (représentation), à même de séduire les États latino-américains (perception), et par conséquent de concurrencer les stratégies américaine et européenne influant sur le sous-continent (reconnaissance).