Résumé : La leucémie lymphoïde chronique (LLC) est le cancer hématologique le plus fréquent du monde occidental et est caractérisée par une évolution clinique hétérogène : certains patients vivent plusieurs décennies sans symptôme alors que pour d'autres le besoin de traitements est rapide et voient leur survie globale raccourcie. Il est dès lors primordial de savoir à quel type d’évolution le patient sera confronté afin d’adapter au mieux le suivi de la maladie et la précocité ou non du traitement. Ces dernières années, la génétique a mis en évidence des aberrations chromosomiques et des mutations spécifiques récurrentes dans cette maladie mais le domaine de l'épigénétque est encore peu étudié.L'épigénétique étudie les processus induisant des modifications réversibles et héritables de l’ADN sans altérer la séquence en acides nucléiques. La méthylation de l'ADN, les modifications post-traductionnelles des histones, l'interférence par ARN et l'hydroxyméthylation de l'ADN sont les mécanismes qui induisent ces modifications et ont un impact sur l'expression génique. Dans ce travail, nous traitons des histones désacétylases et des gènes TET et IDH impliqués dans l'hydroxyméthylation de l'ADN.Au cours de ce travail, nous avons dressé le profil d'expression des 18 isoenzymes HDAC dans des lymphocytes B de patients atteints de LLC. Nous avons observé une surexpression globale de celles-ci par rapport à des cellules B saines. Nous avons également démontré que HDAC3, 6, SIRT2, 3 et 6 sont corrélés avec le pronostic pour la survie sans traitement ou la survie globale. Quelques isoenzymes sélectionnées par des analyses multivariées (HDAC6, 7, 10 et SIRT3, 5 et 6) ont été combinées pour générer un score HDAC qui s'est avéré être un facteur pronostic puissant divisant significativement notre cohorte (P<0,0001).L'activité enzymatique globale des HDAC fut par la suite étudiée. Elle fut très significativement corrélée avec les deux types de survie et particulièrement avec la survie sans traitement où elle s'impose comme un facteur indépendant. Les patients avec une haute activité présentent une survie globale médiane de 137 mois alors qu'elle est supérieure à 376 mois pour une faible activité (P<0,0001). De fait elle nous permet de raffiner le pronostic en mettant en évidence des sous-groupes au sein de patients catégorisés par des facteurs pronostiques classiques.Enfin, nous nous sommes penchés sur l'hydroxyméthylation de l'ADN et les gènes associés à ce phénomène (TET et IDH) qui, pour certains, voient leur expression dérégulée dans les cellules leucémiques. TET2 et IDH1 prédisent significativement la survie sans traitement, les patients présentant une haute expression de ces gènes ayant une médiane de survie sans traitement plus grande (111 mois) que les autres (78 mois). De plus, l'expression de TET1 est diminuée alors que celle de TET3 et IDH2 est augmentée dans les lymphocytes B de patients lorsque ceux-ci sont cultivés en présence de cellules stromales mésenchymateuses, des acteurs du microenvironnement. Cependant, ces dérégulations d'expression ne sont pas associées à une modification du taux globale d'hydroxyméthylation de l'ADN.Ce travail met en avant une association évidente entre les gènes HDAC, TET et IDH et le pronostic des patients relevant dès lors la pertinence des changements épigénétiques dans la progression de la LLC.