Ouvrage en collaboration
Résumé : | Depuis la seconde moitié du XIXe siècle et l’essor de la chimie, des dizaines de milliers de substances chimiques ont été créées, produites et utilisées. Elles ont modifié notre environnement et nos modes de consommation parfois pour le meilleur, parfois pour le pire.Dès les années 1880, des médecins ont observé que les travailleurs exposés à certaines d’entre elles (les amines aromatiques) étaient davantage victimes de cancers de la vessie que les travailleurs non exposés. Pourtant, les mesures d’interdiction et de prévention ont été lentes à s’imposer.En ce début de XXIe siècle, la liste des cancérogènes s’est allongée et personne ne peut plus ignorer la part prise par les substances chimiques dans l’augmentation des cancers. Seconde cause de mortalité à l’échelon mondial, le cancer est devenu la première cause des décès en Europe de l’Ouest. Il est en forte progression dans les pays en développement économique. Partout, il frappe davantage les groupes économiquement les plus faibles, perpétuant les inégalités sociales de santé malgré l’amélioration du niveau de vie.La responsabilité des substances chimiques dans les troubles de la reproduction (stérilité, fausses couches ou malformations des bébés) est désormais elle aussi reconnue, mais a été plus difficile à s’imposer car les troubles provoqués sont souvent perçus comme faisant partie de la sphère familiale, de l’intimité.Depuis une vingtaine d’années, la question d’une action délétère des produits chimiques à action hormonale sur le système endocrinien, qu’on appelle « perturbateurs endocriniens », à des doses considérées auparavant comme sans danger, a pris de plus en plus de place dans le débat public. Ces substances chimiques à action hormonale pourraient être à l’origine de cancers et de troubles de la reproduction, mais aussi de dérèglements subtils de l’organisme, sources de maladies. Les observations de leurs effets bouleversent les préceptes de la toxicologie classique, ainsique la manière d’appréhender la protection de la population et des travailleurs.Le monde du travail ne peut rester indifférent et doit prendre sa place dans le débat. En effet, les expositions professionnelles affectent des secteurs très divers : coiffeuses soumises à un cocktail de produits cosmétiques dangereux, travailleuses du nettoyage, personnels de l’industrie pharmaceutique, de la fabrication des plastiques ou de l’agriculture, etc. Comme pour les autres produits chimiques toxiques, ces expositions sont liées à la division sociale du travail. Ce sont les personnes qui ont les emplois les moins qualifiés et souvent les plus précaires qui courent les risques les plus importants.Ces expositions professionnelles se déroulent le plus souvent dans une situation d’invisibilité totale : aucun étiquetage spécifique n’est prévu, aucune mention dans la majorité des fiches de données de sécurité, aucune surveillance spécifiquede la santé des personnes exposées, etc. Lorsque des problèmes de santé apparaissent chez les travailleurs ou leurs enfants, ils ne sont presque jamais mis en rapport avec l’exposition professionnelle à ce type de substances.Cette publication vise à fournir des clefs pour mieux comprendre cette question complexe et en mesurer les enjeux. Elle veut également démontrer qu’il s’agit d’une question politique importante. Sur ce plan, les politiques européennes doivent être transformées pour permettre une prévention plus efficace. Dans différents pays, des stratégies nationales contre les perturbateurs endocriniens se sont heurtées à des blocages au niveau communautaire. La large couverture médiatique qui, entre 2015 et 2016, a entouré la politique européenne en matière de perturbateurs endocriniens crée des opportunités de mobilisations et d’alliances.Les perturbateurs endocriniens représentent également un enjeu important pour les syndicats. En s’emparant de cette question, le mouvement syndical peut faire le lien entre des mobilisations pour une meilleure prévention au travail et une remise en cause des choix politiques qui sacrifient la santé et l’environnement à la réalisation de profits par l’industrie. |