Résumé : L'arrivée du numérique dans le champ des pratiques architecturales et particulièrement dans celui de l'étude et de la documentation du fait bâti a engendré ces trois dernières décennies d'importants bouleversements. A travers une mise en perspective historique et une définition étendue du relevé d'architecture, cette recherche vise à discuter et mettre en tension la dimension cognitive propre à sa pratique avec les enjeux technologiques auxquels elle fait face. Sur cette base, un constat s'impose : les empreintes numériques issues de l'application des méthodes d'acquisition les plus récentes (photogrammétrie & lasergrammétrie) expriment une forte exhaustivité (visuelle et métrique) avec les artefacts relevés mais produisent également d'importants volumes de données. Cette "surcharge d'informations" ne permet pas ou peu de renforcer la représentation architecturale dans son rôle de véhicule de connaissances.Face à ce déficit d'intelligibilité, l'ambition de cette thèse est de fournir une réponse épistémologique permettant de considérer ce besoin d'intelligibilité sans tourner le dos à la richesse des numérisations produites. Nous proposons ici une approche originale de bas niveau (non-interprétative), où la signification des éléments (structure "sémantique" et "géométrique") provient de l'étude des similarités morphologiques observées au sein d'un corpus de formes. L'analyse statistique et le recours à différents descripteurs morphologiques ont permis de formaliser des signatures caractéristiques du corpus étudié ; il s'agit ni plus ni moins de l'expression formelle d'un nombre déterminé d'attributs géométriques. De manière plus profonde, notre démarche fournit une solution méthodologique pour le traitement de données massives. En s'appuyant sur le cumul de données, ce travail offre une réponse analytique complémentaire aux approches "traditionnelles" de haut niveau (interprétatives) où la caractérisation de la forme s'appuie sur les connaissances pré-structurées du domaine. Si l'un des enjeux consiste à appliquer les méthodes d'analyse géométrique aux données massives, l'autre est de confronter, par l'étude comparative, les observations de haut et bas niveaux. A travers cette recherche, notre souhait est d'affiner la compréhension des propagations stylistiques dans le temps et dans l'espace. Afin d'expérimenter cette approche, 31 colonnes du cloître de l'Abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa ont fait l'objet d'une analyse morphologique approfondie.