Résumé : L’objet du présent mémoire porte sur la question du faux artistique aux Temps modernes etplus spécifiquement en Italie, aux Quattrocento et Cinquecento ; période décisive dans ledéveloppement de l’art et de l’artiste. Un objet d’art intègre - initialement ou a posteriori - lacatégorie des faux dès que l’intention et l’usage qui le président ont une finalité frauduleuse.Les sources écrites se sont présentées comme des matériaux d’études adéquats favorisant - plusque l’objet physique lui-même -, l’appréhension des intentions latentes ou explicites quiconduisent un artiste, un collectionneur ou un marchand à se lancer dans une productiondéontologiquement douteuse. Notre conception actuelle de l’authenticité et de l’originalitédiffère du rapport qu’entretenait l’homme moderne envers l’art de son temps ; le risque del’autoprojection est par conséquent bien réel avec tous les risques anachronistiques que cemécanisme peut provoquer. Le faux est une construction culturelle qui nécessite d’êtreappréhendée avec les outils théoriques et épistémologiques requis afin de mieux saisir safinalité et ses enjeux au sein de la collectivité.Cinq corpus de documents ont été analysés afin de mener à bien cette réflexion : la Notiziadel disegno de Marcantonio Michiel, un extrait de la correspondance de Pietro Summonte àMarcantonio Michiel, les inventaires et les échanges épistolaires d’Isabelle d’Este, leSchilderboek de Karel Van Mander et les Vite de Giorgio Vasari, thésaurus de premièreimportance sur lequel l’essentiel de la recherche a été effectuée. Les vingt-deux anecdotessélectionnées dans le cadre de cette étude, toutes relatives directement ou indirectement à laquestion de l’authenticité en art, portent sur diverses pratiques comme le processus de copie àl’identique, la restauration et l’imitation all’antica, la falsification ; chacune de celles-ci étantconditionnée par des mobiles bien spécifiques. Chaque extrait sélectionné a fait l’objet d’uneanalyse détaillée, soumis ensuite à un commentaire critique en vue de dégager la véritéhistorique véhiculée par le texte. Cette méthodologie pragmatique a permis de tirer plusieursconclusions sur la production et la réception du faux à la Renaissance, tout en imposant unedistinction stricte entre les ressorts du faux narratif et du faux archéologique. Les recherchesmenées tout au long de ce mémoire ont permis de pointer l’ambivalence de la problématique du‘faux moderne’, à savoir le parti pris des sources, la subjectivité des auteurs ou encore lecaractère laconique de certains documents. L’objectif du présent travail est de nuancer certainesidées reçues sur la question du faux à la Renaissance et d’interroger l’usage et la pertinence determes aussi connotés que faux et faussaires, utilisés pour qualifier des personnalités, despratiques et des comportements relatés dans la littérature artistique moderne. L’hypothèse dutopos narratif, hérité de la tradition plinienne, a été émise afin de proposer une grille de lecturepermettant de mieux saisir la finalité du faux narratif au sein d’un discours théorique. L’autreconclusion résultant de cette enquête est la suivante : la fraude artistique n’est que rarementl’apanage des grands maîtres, celle-ci semble se développer davantage au sein des réseauxd’échanges secondaires ; là où circulent marchands et collectionneurs peu scrupuleux,indépendants ou partiellement indépendants des hautes sphères élitaires.