Résumé : Cette thèse interroge la performativité de l’instrumentation au cœur du processus de prise de décision de l’union européenne en étudiant la procédure d’analyse d’impact de la Commission européenne (AI-CE), et son application en particulier aux politiques environnementales. Mise en place en 2002 afin d’évaluer les impacts économiques, sociaux et environnementaux des propositions émises par la CE, la procédure d’AI est formellement l’instrument de la stratégie de développement durable (SDD), mais elle est aussi un pilier de la politique de ‘Better Regulation’ (BR) (« Mieux légiférer ») et penche progressivement dans le sens de ce second agenda avec une préférence pour l’analyse coûts-bénéfices et le choix d’instruments non légaux. En réponse à la question de la rationalité et de la performativité de l’AI-CE, la thèse défendue dans cette recherche conçoit l’analyse d’impact de la CE comme une technique de la gouvernementalité néolibérale placée au cœur de la fabrique des politiques environnementales de l’UE, en appui notamment sur l’opération de monétarisation des impacts. L’hypothèse est celle du renforcement du discours de la modernisation écologique, avec pour effet de contribuer au phénomène d’économicisation des problématiques environnementales dans le sens d’un nécessaire alignement sur l’étalon d’une utilité économique. Pour mener à bien ce projet, la thèse déploie une analyse du discours de la CE et combine analyse de documents, entretiens et analyse lexicométrique. A la suite de nos investigations, il s’avère que les résultats sont partiellement congruents par rapport à l’hypothèse introduite supra. En effet, la mise en œuvre du dispositif n’entraine, pour les cas spécifiques étudiés, ni la monétarisation systématique, ni même la quantification systématique des impacts environnementaux d’une part, ou le choix systématique d’instruments volontaires ou de marché d’autre part. De plus, l’analyse lexicométrique nous permet de mettre en évidence la cohabitation de deux types de gouvernementalités distinctes, bien que se chevauchant partiellement, au travers des discours de la modernisation écologique et de la gouvernementalité verte. Cependant, nous constatons également le poids et la force structurante du terme et de la notion de « coût » et le recours systématique à un registre de justification économique de l’action environnementale au travers de ressorts typiques du discours de la modernisation écologique, avatar de la gouvernementalité néolibérale. En dépit de l’incomplétude de la réalisation des engagements pris par la CE, ou de ce fait même, nous constatons que la mise en œuvre de l’AI-CE contribue à l’économicisation de la fabrique des politiques environnementales comme insertion des problématiques environnementales dans une logique d’utilité économique et à la subordination de l’évaluation des impacts « économiques, sociaux et environnementaux » à la question du coût de l’intervention et aux critères de comparaison favorables à la dimension économique.
This PhD thesis questions the performativity of the European Commission Impact Assessment (EC-IA) as decision-support instrument at the heart of the European policy process in the case of European environmental policy-making.Adopted in 2002, the EC-IA is meant to address “all” significant economic, social and environmental impacts of the EC proposals. It is an instrument of the Sustainable Development strategy, as well as of the Better Regulation agenda. It will progressively mainly contribute to this second agenda, with a focus of the guidelines on cost-benefit analysis and non-legal instruments.Questioning the EC-IA rational and performativity, the thesis conceives the EC-IA as a neoliberal governmentality technique within the European environmental policy-making process, among other leaning on the monetisation of impacts. The hypothesis is the reinforcement of the ecological modernisation discourse, contributing to the economicisation of environmental issues, with economic utility as yardstick.Following our investigations (made of discourse analysis, combining document analysis, interviews and lexicometry), it turns out that results are only partially congruent with our research hypothesis. As a matter of fact, the implementation of the EC-IA does not involve, for the case studied, systematic monetisation, nor quantification of environmental impacts or the systematic proposal of voluntary or market instruments. Moreover, the lexicometric analysis highlights two parallel types of governmentalities, partially overlapping, with the ecological modernization and green governmentality discourses.However, we also highlights the important weight and structuring strength of the word and concept of “cost”, and the systematic economic justification of environmental action, a.o. through storyline elements typical of the modernization discourse, avatar of neoliberal governmentality. In spite of the partial implementation of the EC-IA guidelines, or du to this incompleteness, we observe that EC-IA implementation contributes to the economicisation of the making of European environmental policies through the embedding of environmental issues in an economic utility logic, and through the subordination of the assessment of “economic, social and environmental” impacts to the question of the cost of action and to comparison criteria in line with the economic dimension.