Résumé : Résumé Au Rwanda, de nombreuses femmes se sont retrouvées mères d’enfants issus du viol qu’elles avaient subi pendant le génocide des Tutsis de 1994. Ces rescapées du génocide ont été torturées, violées et parfois laissées pour mortes par les génocidaires. Elles se sont retrouvées avec des enfants qu’elles n’avaient jamais désirés, alors que certaines d’entre elles étaient encore mineures, que d’autres venaient de perdre leur fiancé et que d’autres encore avaient perdu et leur mari et leurs enfants dans ce génocide. Le fait qu’elles aient gardé et élevé les enfants issus du viol leur a souvent valu d’être rejetées par leur famille et mal vues par la communauté. Les enfants considérés comme les enfants des bourreaux n’ont pas pu bénéficier d’une famille accueillante et aimante, ni du côté de la mère, ni de celui du père. Leurs mères n’ont pu bénéficier pour les élever ni d’un tissu familial et social affectif et soutenant, ni de l’aide financière octroyée pour les enfants rescapés. Nous sommes allée à leur rencontre pour voir ce qu’étaient devenues ces familles stigmatisées, précarisées affectivement et matériellement. L’objectif principal était de relever les fragilités et les ressources psychiques et relationnelles dont disposent ces familles, afin de dégager les moyens et les conditions d’un dispositif systémique susceptible d’aider les enfants nés du viol et leur mère à se relever et à se reconstruire. L’utilisation, dans cette étude, des outils de l’approche systémique ainsi que la démarche de la recherche-action ont permis l’expression des ressentis et l’instauration de groupes de parole pour les participants. Les résultats ont permis de confirmer l’atrocité du viol sur l’accueil maternel de l’enfant, de dégager la prépondérance du rôle de la mère sur celui des membres de la famille dans l’inscription filiative de l’enfant, et de mettre en évidence la nécessité de l’intervention sociétale pour l’édification d’une identité réhumanisante chez les mères ainsi que chez leurs enfants.
Abstract In Rwanda, many women found themselves mothers of children from the rape they suffered during the genocide against Tutsi of 1994. These genocide survivors were tortured, raped and sometimes left for dead by their perpetrators. They were left with children they had never desired, though some of them were yet minors, others had lost their boyfriends and still others had lost their husbands and children during this genocide. The fact that they kept and raised children born from the rape has often earned them rejection by their families and bad reputation by the community. The children considered as genocidors’children could not benefit from a caring and loving family, either on the side of the mother or the father. Their mothers were less and less integrated into the fabric of the family and society and did not benefit any financial support provided to genocides’survivor children. We set out to meet these mothers and their children in order to investigate what had become these stigmatized emotionally and physically weakened families. The main objective was to identify the fragilities as well as psychic and relational ressources of these families in order to determine the means and conditions of a systemic framework likely to help the children being born from rape and their mothers to recover and build. The use, in this study, of approach systemic’s tools and the action-research procedure enabled the expression of feelings and the establishment of dialogue groups for the participants. The results have confirmed the atrocity of rape on maternal care of the child. They allowed also to identify the predominant role of the mother over the one of family members in the filiative registration of the child, and to highlight the need for social intervention aimed at build a re-humanizing identity in mothers as well as in their children.