Résumé : Les regroupements d'’animaux forment sans doute l’'un des plus fréquents comportements collectifs et peuvent considérablement varier en taille, en forme et en stabilité. Ces structures émergent souvent de processus simples d’'interattraction, basés sur l’'amplification d'’un signal d'’agrégation.Pour autant, la compréhension de la modulation des décisions collectives selon le contexte social et environnemental nécessite une approche globale et multifactorielle. En outre, la complexité du tissu liant les interactions individuelles, l’'environnement et les structures collectives en résultant reste encore mal connue.Les isopodes terrestres forment un groupe remarquable de crustacés terrestres particulièrement grégaires. Dans un premier volet de ce document, nous nous intéressons à la sensibilité de leur comportement d’'agrégation aux facteurs biotiques (densité de congénères, présence de différentes espèces) et abiotiques (luminosité, présence d’hétérogénéités environnementales). Dans un second volet, nous nous intéresserons aux valeurs adaptatives de leur comportement d’'agrégation, c'’est-à-dire aux bénéfices individuels tirés du groupe, notamment au regard de la dessiccation corporelle.Nos résultats montrent principalement que (1) l’'agrégation chez les isopodes terrestres est le fruit d'’un équilibre entre des préférences individuelles pour les hétérogénéités de l’'environnement et d’'une interattraction sociale. Particulièrement, (2) cette composante sociale se caractérise par une modulation des comportements individuels selon la taille du groupe : le temps passé dans l'’agrégat par chaque individu augmente avec le nombre de congénères suite à un effet synergique d’'attraction et de rétention des congénères. Cet effet est à la base des processus d'’amplification nécessaire à l’'émergence d'’un agrégat (3). Par ailleurs, (4) la forme sigmoïdale des fonctions mathématiques sous-jacentes conduisent à effet de seuil densité-dépendant, impliquant un nombre minimum d’'individu pour qu'’un agrégat puisse émerger. Ces règles élémentaires conduisent à une régulation importante de la taille des groupes et de leur distribution spatio-temporelle dans l’'environnement (5). Elles sont également à l’œ'oeuvre dans l’'établissement de groupes mixtes (i.e., composés de plusieurs espèces)dans lesquels nous montrons des processus d'’amplification fortement partagés entre les espèces mais pour lesquels le poids accordé aux informations hétérospécifiques est plus faible (6). Nous discutons de la nature des interactions possiblement impliqués dans l’'émergence des groupes,notamment à travers des modèles de contagion sociale impliquant une mise en repos collective (7). Enfin, (8) nous montrons une relation entre la conformation spatiale des individus agrégés, la taille des groupes et les bénéfices individuels non-linéaires tirés du groupe. L'’ensemble de ces résultats est discuté dans le contexte générique des phénomènes auto-organisés observés chez de nombreux vertébrés et invertébrés grégaires. Nous discutons pour finir de l'’intérêt des isopodes terrestres dans la compréhension du rôle des groupements collectifs dans les transitions écologiques majeures.