Résumé : Les peintures rupestres de l’Ontario font partie du grand ensemble de l'art rupestre du Bouclier Canadien. Ce terme recouvre une réalité géologique autant qu'ethnographique, puisque cette région est essentiellement habitée par les Algonquiens. La retraite des glaces laissa un paysage criblé de lacs et de cours d'eau dont les artistes amérindiens peignirent les roches riveraines. Les peintres élirent de préférence des rochers de granit ou de gneiss, lissés par les glaces et plongeant, le long des rivages, presque à la verticale dans l'eau.

Depuis une dizaine d'années, les recherches en art rupestre se développent de plus en plus : de nouvelles techniques, ainsi que des interprétations récentes, prenant plus en compte les autres domaines scientifiques font leur apparition. Toutes ces approches sont largement diffusées par des colloques, des congrès et des périodiques spécialisés. Néanmoins, elles sont encore peu appliquées dans de nombreuses régions, les représentations ne faisant généralement l'objet que d'un relevé succinct, d'une identification des principaux motifs et d'une chronologie relative incertaine. Dans les années '60, Leroi-Gourhan rejetait, à juste titre pour l'art pariétal européen, le comparatisme ethnologique et il préconisait de "recevoir directement du Paléolithique ce qu'il apportait spontanément". Les spécialistes européens se focalisèrent alors sur les peintures et gravures et les étudièrent de la même manière que n'importe quel artefact archéologique (typologie, chronologie, carte de répartitions, analyse quantitative…). Au contraire, en Amérique et en Australie, où l'approche ethnographique et ethnologique est possible, les chercheurs se concentrèrent principalement sur ce dernier axe de recherche. Les dernières recherches en Europe de l'art pariétal paléolithique ont démontré l'importance d'une approche à la fois plus objective, plus exhaustive et plus contextuelle, approche qui fait encore malheureusement très largement défaut dans les travaux consacrés aux art rupestres, notamment les peintures rupestres du Bouclier canadien. Or, ces manifestations "esthétiques" sont susceptibles de nous livrer des informations non seulement sur le fonctionnement mental et spirituel des hommes qui les ont réalisées, par l'analyse des contenus graphiques mais aussi sur leur fonctionnement social grâce à la reconstitution des diverses chaînes opératoires mises en œuvre pour leur obtention. Il est donc désormais indispensable de lier les deux approches et de traiter ces documents archéologiques, tant d’un point de vue anthropologique qu’archéologique. C’est-à-dire, en analysant les peintures dans leur contexte (importance du rocher et des fissures, position du rocher sur le lac et importance de la voie de communication) et en les reliant à ce que nous connaissons de la mythologie et des pratiques culturelles des sociétés amérindiennes.