Résumé : Un organe est dit immunologiquement privilégié lorsqu’il permet la survie d’allogreffes. Le privilège immun de l’œil a d’abord été décrit pour la chambre antérieure de l’œil puis étendu à l’espace sous-rétinien qui est délimité par les photorécepteurs et les cellules de l’épithélium pigmentaire (EPR). Vers le milieu des années nonante, Janet Liverdsidge a montré que les cellules de l’EPR étaient capables d’inhiber l’activation lymphocytaire (effet immunosuppressif des cellules de l’EPR). Parallèlement, plusieurs équipes ont montré que les uvéites postérieures non infectieuses (UPNI) étaient associées à une activation pathologique des mêmes cellules de l’EPR. Le but de notre travail a été dans un premier temps de préciser les mécanismes responsables de l’effet immunosuppressif des cellules de l’EPR et dans un deuxième temps de mieux caractériser les processus impliqués dans leur activation, afin d’imaginer de nouvelles stratégies pour traiter les UPNI. Nous avons d’abord observé que les cellules de l’EPR étaient incapables d’activer des lymphocytes T naïfs mais au contraire inhibaient la prolifération de lymphocytes T activés et induisaient leur apoptose. Nous avons corrélé cette inhibition à un phénotype de cellules présentatrices d’antigène déviantes puisque si, après stimulation par interféron γ (IFNγ), l’EPR exprimaient des molécules du CMH de classe II et du CD40, elles étaient incapables d’exprimer le B7.1 ou le B7.2, ni de sécréter de l’IL-12, même après stimulation par le CD40 ligand. Ensuite, nous avons pu mettre en évidence que les cellules de l’EPR phagocytaient les lymphocytes T et que cette phagocytose était en partie responsable de l’inhibition de la prolifération lymphocytaire. De plus, cette phagocytose était associée à une diminution de la transcription du gène de l’Il-1β induite par le TNFα. Enfin, nous avons étudié l’effet de la 15-deoxy-delta 12,14-prostaglandin J2 (15 PGJ2), un nouvel immunomodulateur potentiel, sur l’activation des cellules de l’EPR par l’IFNγ. Nous avons ainsi pu démontrer que, indépendamment du PPARγ, la 15 PGJ2 était capable d’inhiber l’induction de l’expression du CMH de class II par l’IFNγ. Parallèlement, nous avons mis en évidence que la stimulation des cellules de l’EPR par l’IFNγ induisait une activation de STAT1, ainsi que la transcription du class II transactivator (CIITA) et de SOCS1. Néanmoins, nos résultats ont aussi montré que l’effet inhibiteur de la 15PGJ2 n’était pas dépendant d’une modulation de l’activité de STAT1 ou de la transcription de SOCS1 ou du CIITA et n’impliquait pas la voie d’ERK1/2 ou de la PKB. Enfin, étant donné le rôle important du TNFα dans l’activation pathologique des cellules de l’EPR et le développement d’UPNI, nous avons analysé l’effet d’une approche thérapeutique anti-TNFα chez des patients atteints d’UPNI. Nos données ont montré que l’inhibition du TNFα par une protéine de fusion du fragment p55 du récepteur au TNFα améliorait l’état clinique de patients souffrant d’UPNI. De plus, nous avons corrélé cet effet bénéfique à une augmentation de la sécrétion intra-cytoplasmique d’IL-10 par les lymphocytes T CD4 + périphériques ainsi qu’à une augmentation du ratio entre les lymphocytes secrétant de l’IL-10 et ceux secrétant de l’IFNγ. En conclusion, nous avons pu observer que les cellules de l’EPR étaient capables d’inhiber la prolifération de lymphocytes T activés par des mécanismes de présentation déviante d’antigène, induction d’apoptose et phagocytose. Néanmoins, nos résultats ont démontré qu’à coté de ces propriétés immunosuppressives, les cellules de l’EPR pouvaient également être activées par l’IFNγ et le TNFα. Différentes approches biologiques ont été investigués pour bloquer cette activation pathologique.