Résumé : Le placenta assure les échanges materno-fœtaux et possède une fonction endocrine autonome. Les hormones placentaire lactogène (hPL) et chorionique gonadotrope (hCG) sont synthétisées par le syncytiotrophoblaste. A ce jour, les mécanismes impliqués dans le contrôle de la sécrétion de ces deux hormones ne sont pas connus. In vitro, l’influx d’ions Ca2+ entraîne une augmentation immédiate et soutenue de la libération d’hPL et d’hCG à partir d’explants de placentas à terme. En outre, l’élévation de la concentration extracellulaire en albumine, principale protéine maternelle circulante en contact direct avec le trophoblaste, stimule de manière immédiate et transitoire la libération d’hPL et d’hCG.

L’objectif de nos travaux a été de vérifier la spécificité de l’activité sécrétagogue de l’albumine au niveau du placenta, de caractériser les messagers cellulaires potentiellement impliqués dans la libération d’hPL et d’hCG, et de définir l’interaction entre l’albumine et le trophoblaste, en utilisant des explants provenant de placentas humains à terme.

Nos travaux démontrent que la riposte sécrétoire à l’albumine (5%, m/v) est largement mimée par d’autres agents colloïdaux (dextran et polygéline). Cette stimulation colloïdale de la libération d’hPL et d’hCG impliquerait une mobilisation de Ca2+ à partir de réserves intracellulaires. L’intervention de 3 messagers cellulaires a été envisagée: les IPs/DAG, l’AMPc, et le GMPc. Le fluorure de sodium, la forskoline, ou le nitroprussiate sodique, activateurs connus de la production respective des IPs, de l’AMPc, et du GMPc, augmentent de manière significative les taux placentaires de chacun de ces messagers, sans toutefois affecter la libération d’hPL ou d’hCG. De plus, l’élévation de la concentration extracellulaire en albumine (5%, m/v) ne modifie pas les taux des IPs, de l’AMPc et du GMPc dans les explants placentaires, tandis qu’elle stimule la sécrétion hormonale. Ces systèmes de signalisation, bien que fonctionnels au niveau du trophoblaste, ne joueraient donc pas un rôle majeur dans la régulation de la libération d’hPL et d’hCG.

Nos résultats mettent en évidence une internalisation rapide d’albumine marquée, avec de l’125I ou de la fluorescéïne, dans le syncytiotrophoblaste. Une large fraction de cette albumine est recyclée, intacte, vers la circulation maternelle selon un processus sensible à l’abaissement de la température et indépendant du cytosquelette. L’albumine marquée restant dans les explants placentaires est partiellement dégradée. Trois mécanismes ont été envisagés pour expliquer ces mouvements d’entrée et de sortie de l’albumine au sein du placenta humain: l’endocytose médiée par l’albondine via les caveolae, le système des coated pits clathrine-dépendant, et l’endocytose médiée par la mégaline. Par immunohistochimie, nous avons montré que, dans le tissu placentaire, la caveoline-1, protéine caractéristique des caveolae, est localisée uniquement dans l’endothelium des capillaires fœtaux. La clathrine, au niveau des coated pits, et la mégaline se trouvent au contraire dans le syncytiotrophoblaste. La méthyl-b-cyclodextrine et l’hydrochlorure de chlorpromazine, inhibiteurs d’une endocytose dépendant de la clathrine, réduisent significativement l’internalisation placentaire de l’albumine marquée. Par contre, le DIDS ou le NPPB, susceptibles de perturber l’endocytose médiée par la mégaline, n’affectent pas la captation d’albumine marquée par les explants placentaires. L’albumine pénétrerait donc dans le syncytiotrophoblaste principalement par un processus clathrine-dépendant. La mégaline ne jouerait ici qu’un rôle mineur dans l’entrée de la protéine. Un tel processus de recyclage de l’albumine pourrait être similaire à celui décrit pour les immunoglobulines G au niveau du syncytiotrophoblaste.

Ces mouvement d’entrée et de sortie de l’albumine ne semblent pas associés à la stimulation de la libération d’hPL et d’hCG par l’albumine. Ils pourraient par contre participer significativement, étant donné leur ampleur, à la nutrition fœtale. L’albumine est en effet un transporteur notoire d’ions et d’acides gras, molécules qui pourraient être acheminées au fœtus via le phénomène de recyclage placentaire de l’albumine mis en évidence par ce travail. /

The human placenta is the site of all maternal-fetal exchanges, and is also an active endocrine organ. Placental lactogen (hPL) and chorionic gonadotrophin (hCG) hormones are synthesized by the syncytiotrophoblast. So far, the mechanisms involved in the regulation of both hormones secretion remain elusive. In vitro, calcium inflow causes an immediate and sustained rise in the hPL and hCG releases from human term placenta explants. Moreover, increasing the extracellular concentration of albumin, the major maternal plasma protein in direct contact with the human trophoblast, stimulates the hPL and hCG releases in an immediate and transient way.

Our study have aimed to check the specificity of this secretory effect of albumin, to investigate the potential cellular messengers involved in the hPL and hCG releases, and to define the interaction between albumin and the throphoblast layer, using human term placenta explants.

Our results indicate that the triggering effect of albumin (5%, w/v) is largely mimicked by two other colloidal agents (dextran and polygelin). This “colloidal” stimulation of the hPL and hCG releases would involve the mobilization of calcium from intracellular pools. Three cellular messengers have been considered to mediate this process: the IPs/DAG, the cAMP, and the cGMP. Sodium fluoride, forskolin, or sodium nitroprusside, known activators of respectively the IPs, cAMP, and cGMP production, significantly increase the placental content of each of those messengers, without modifying the hPL and hCG releases. In addition, raising the extracellular concentration of albumin does not cause any change in the placental level of IPs, cAMP, and cGMP, while stimulating the hormonal release. These three signaling pathways are thus functional in human term trophoblast but do not appear to significantly modulate the hPL and hCG secretions.

Our findings show that albumin, labeled with 125I or with fluorescein, is rapidly internalized into the syncytiotrophoblast. Thereafter, the intact protein is largely recycled to the maternal circulation, through a temperature-sensitive and cytoskeleton-independent process. The labeled albumin remaining in placental explants is partially degraded. Three different mechanisms could participate to the albumin entry into the human placenta: the albondin-mediated endocytosis via the caveolae, the clathrin-dependent coated pits system, and the megalin-mediated endocytosis. Using immunohistochemistry, caveolin-1, marker of the caveolae, is localized in the endothelium of the fetal capillaries and not in the syncytiotrophoblast. By contrast, clathrin and megalin are observed only in the syncytiotrophoblast. Methyl-b-cyclodextrin, and chlorpromazine hydrochloride, known inhibitors of the clathrin-dependent endocytotic process, significantly reduce the placental uptake of labeled albumin. On the other hand, DIDS or NPPB, able to perturb the megalin-mediated endocytosis, do not affect the labeled albumin uptake. Thus, albumin seems to be internalized into the syncytiotrophoblast mainly through a clathrin-dependent mechanism. Megalin would only play a minor role in this process. Such movements of albumin in the human placenta may be similar to the recycling process reported for IgG at that site.

The placental apical recycling of albumin is not associated to the albumin triggering effect on the hPL and hCG releases. This quantitatively significant internalization process may participate to the fetus’ nutrition. Indeed, Albumin carries ions and fatty acid, which could be brought to the fetus via the protein recycling evidenced by our study.