Résumé : La thèse est une étude du processus de sécurisation de l’immigration clandestine à l’œuvre dans l’Union européenne. Elle s’attache à expliquer la tension, voire la contradiction, existant entre l’ambition et la fermeté du discours européen sur le contrôle de l’immigration illégale, d’une part, et le risque politique intrinsèquement lié à ce choix, d’autre part. La prétention au contrôle des flux migratoires clandestins apparaît en effet largement illusoire tant en raison de l’ampleur et de la nature des flux concernés que de la faiblesse des moyens effectivement mis en œuvre par l’Union européenne.

Au départ d’une grille d’analyse s’appuyant sur une lecture critique des approches constructivistes de la sécurité, la politique européenne de lutte contre l’immigration clandestine est interprétée comme étant l’expression d’un « discours de sécurité » forgeant des représentations sociales insécurisantes des migrants clandestins. Cette production sociale du « péril migratoire » est examinée sous l’angle des enjeux de légitimité entourant la création de l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice. Dans ce cadre, nous soulignons que la lutte contre l’immigration l’illégale ne peut se réduire à son objectif explicite – la maîtrise des flux – mais qu’elle participe également d’un mécanisme classique de légitimation du corps politique supposant la définition d’une figure menaçante de l’altérité. Le « clandestin » représente dans cette optique un « objet insécurisant » consensuel qui émerge dans le champ européen au terme d’un processus de formation d’une volonté politique fonctionnant sur le mode du plus petit dénominateur commun. Agrégeant les inquiétudes exprimées à l’égard du terrorisme et de la criminalité transnationales mais aussi les préoccupations pour la stabilité économique, sociale et culturelle des sociétés européennes, cette figure permet de rassembler les États membres autour d’un projet sécuritaire commun. Elle contribue de ce fait à l’émergence d’une dynamique de type ami-ennemi reposant sur une opposition croissante entre un « Autre » incarné par le clandestin et un « Nous » qui, à défaut d’être culturellement homogène, se trouve unifié par un sentiment d’insécurité collectivement partagé.