Résumé : L’activation des lymphocytes T nécessite un double signal. Le premier est antigénique et permet la reconnaissance d’un peptide spécifique présenté à la surface de cellules présentatrices d’antigène (APC). Le second signal est co-stimulateur et implique l’interaction avec des molécules activatrices exprimées par les APC et la présence de cytokines proinflammatoires. Les cellules dendritiques (DC) sont les uniques APC capables de délivrer ce double signal et d'activer les lymphocytes T naïfs, initiant ainsi les réponses immunes primaires. L’immaturité du système immunitaire du nouveau-né est responsable d’une plus grande susceptibilité aux maladies infectieuses ainsi qu’une faible réponse vaccinale. Des déficiences tant au niveau de l’immunité innée que de l’immunité acquise participe à une faible défense face aux agressions. A la naissance, les DC expriment des niveaux faibles de molécules co stimulatrices et présentent un défaut majeur de synthèse d'IL 12, cytokine cruciale pour l’établissement de réponses de type Th1. Le but de ce travail est d’évaluer la capacité des DC du nouveau-né humain à activer les lymphocytes T CD8+.

Dans une première approche, nous avons utilisé un modèle unique d’induction de réponse primaire in vitro qui permet d'étudier l'activation de lymphocytes T CD8+ spécifiques de l’antigène Melan-A, une protéine du soi exprimée par les mélanocytes. Ces lymphocytes existent à des fréquences particulièrement élevées chez les individus sains HLA-A2 et présentent les caractéristiques de lymphocytes T naïfs. Dans ce modèle, nous avons d’abord analysé les capacités immunostimulatrices de différentes populations de DC différenciées in vitro. Nous avons observé que les DC différenciées par la culture de monocytes purifiés en présence d'IL-3 et d’IFN-beta sont capables d’initier une réponse fonctionnelle des lymphocytes T CD8+, analogue à celle induite par les DC différenciées en présence de GM-CSF et d’IL-4. Ce même modèle nous a permis de démontrer que, en dépit de leur défaut de production d’IL 12, les DC du nouveau-né sont capables d'induire efficacement une réponse lymphocytaire T CD8+ cytotoxique.

Afin dévaluer la relevance in vivo de nos observations, nous avons étudié le phénotype et la fonction des DC circulantes chez des nouveau-nés infectés par le cytomégalovirus (CMV). L’infection par le CMV au cours de la vie fœtale représente une situation clinique où le nouveau-né développe une réponse mature et fonctionnelle des lymphocytes T CD8+, alors que celle des lymphocytes T CD4+ est déficiente. Ces expériences ont montré que le phénotype, la fonction et la réponse à différents stimuli des APC présentes en périphérie ne sont pas affectés par l’infection congénitale par le CMV. Ces résultats suggèrent que l’observation des DC circulantes des nouveau-nés infectés par le CMV ne permet pas d’analyser l’influence du virus sur la fonction des DC néonatales. Dans ce but, nous avons reproduit un modèle d’infection in vitro de DC par une souche primaire du CMV. L’utilisation de micropuces à ADN nous a permis de comparer l’expression de gènes différentiellement induits par l’infection des DC d’adultes et de nouveau-nés. Nous avons ainsi révélé une proportion importante de gènes différentiellement induits, parmi lesquels celui de l’IFN-beta. Nous avons confirmé ce défaut au niveau protéique et mis en évidence une production d’IL 12 déficiente en réponse à l’infection par CMV.

L’ensemble de nos résultats indique que malgré leur immaturité, les DC du nouveau-né sont capables, dans certaines circonstances, d’induire une réponse lymphocytaire T CD8+ cytotoxique. Cependant, le défaut de production de certaines cytokines co-stimulatrices pourrait être impliqué dans la faible réponse des lymphocytes T CD4+ à l’infection par CMV. Ces observations ont d’importantes implications pour la compréhension de l’induction de réponses cytotoxiques au cours d’infections virales et pour l’élaboration de stratégies vaccinales en début de vie.