Résumé : La technologie des microarrays est une technique d’analyse d’expression génique à grande échelle qui permet d’analyser simultanément l’expression de milliers de gènes dans différentes cellules et différentes conditions physiologiques, pathologiques ou toxicologiques (Shena et al, 2000). Dans notre étude nous avons employé cette technique pour mieux comprendre deux pathologies thyroïdiennes: les carcinomes papillaires (PTC) et les adénomes autonomes hyperfonctionnels.

L’étude des profils d’expression génique de 9 carcinomes papillaires thyroïdiens sporadiques et de 13 carcinomes papillaires post-Chernobyl a été effectuée en utilisant les lames commerciales de Perkin-Elmer (comportant 2400 cDNA) et en les comparant à leurs tissus normaux adjacents. Les PTC post-Tchernobyl constituent une population de cancers à cause bien définie puisqu’ils sont directement reliés à l’exposition du même agent mutagène, pendant une même période. L’étude des profils d’expression indique qu’il n’y a pas de signature génique spécifique permettant de distinguer les carcinomes papillaires sporadiques des post-Tchernobyl. La comparaison de ces profils d’expression à celui obtenu avec 13 adénomes autonomes a permis de mettre en évidence une signature de 6 gènes (créatine kinase B, annexine A1, clusterine, métallothionéine 1x, Fc fragment of IgG binding protein et tissue inhibitor of metalloproteinase 1) séparant les carcinomes papillaires malins des adénomes autonomes bénins.

Nous avons également analysé l’expression génique sur des mélanges de tumeurs et de leurs contrôles respectifs sur des lames à 17000 cDNA fabriquées au MAF (VIB Microarray Facility, Leuven). Un mélange de 14 cancers papillaires sporadiques, un mélange de 20 cancers papillaires provenant de la région de Tchernobyl et un mélange de 5 adénomes autonomes ont été analysés par microarray et comparés aux études existantes comme celles effectuées sur les lames Perkin-Elmer ou par d’autres groupes (Huang et al, 2001 ; Wasenius et al, 2003 ; Jarzab et al, 2005 ; Eszlinger et al, 2004).

De ces données microarray ont résulté des listes de gènes sur- et sous-exprimés dans les tumeurs comparées à leurs tissus normaux adjacents. Plusieurs gènes différentiellement exprimés ont déjà été confirmés dans différentes études réalisées aussi bien dans notre laboratoire que dans d’autres. Nous avons confirmé la modulation de plusieurs gènes intéressants par RT-PCR en temps réel (Taqman) ainsi que certaines modulations au niveau protéique (par Western Blot ou immunohistochimie). L’étude immunohistochimique nous a donné également des informations sur la distribution cellulaire et tissulaire de ces protéines.

La modulation d’expression génique dans ces tumeurs reflète des caractéristiques physiopathologiques connues (comme l’hyperactivité fonctionnelle, la faible augmentation de l’AMPc ou encore la diminution de l’apoptose dans les adénomes autonomes et la dédifférenciation ou l’invasivité dans les carcinomes papillaires), mais elle nous a également permis d’identifier des caractéristiques physiopathologiques jusqu’ici encore inconnues de ces tumeurs (comme la surexpression de la N-cadhérine et la diminution de la cavéoline1, deux marqueurs présumés de malignité, dans les tumeurs bénignes et un changement de population cellulaire aussi bien dans les adénomes autonomes que dans les carcinomes papillaires). Ces études nous ont donc permis de définir des gènes potentiellement importants dans la pathologie des différentes tumeurs étudiées, mais également des nouveaux marqueurs diagnostiques potentiels. Ainsi, l’étude immunohistochimique sur des tissu-arrays nous a permis de confirmer la surexpression de l’annexine A1 dans les carcinomes papillaires et de la créatine kinase B dans les adénomes autonomes et pas dans les autres tumeurs thyroïdiennes étudiées. L’immunomarquage de ces protéines nous a également aidé à définir la malignité d’une série d’adénomes atypiques. L’annexine A1 est un marqueur potentiel particulièrement intéressant car cette protéine n’est fortement exprimée que dans les carcinomes papillaires. Une hypothèse, encore à confirmer, sur sa fonction dans cette pathologie est décrite dans ce travail. Finalement, nous avons émis une hypothèse expliquant la raison pour laquelle les réarrangements Ret/PTC mènent à la formation de carcinomes papillaires, tandis qu’une mutation activatrice de Ras, l’effecteur directe du récepteur à activité tyrosine kinase Ret, mène à la formation de tumeurs folliculaires.