Résumé : À la fin du 19ème siècle s'organise progressivement en Belgique un vaste mouvement de lutte contre la mortalité infantile. Des médecins et des femmes philanthropes créent des oeuvres, les consultations de nourrissons, qui visent à apprendre aux mères à soigner leurs enfants suivant les nouveaux préceptes de l'hygiène. Durant la Première Guerre mondiale, elles connaissent un formidable essor et finissent par couvrir le pays. Après la guerre, le principe de la protection sanitaire du jeune enfant est inscrit dans la loi et un organisme est spécialement créé à cet effet : l'Oeuvre nationale de l'enfance (ONE). L'ONE, qui dépend directement du Gouvernement, contrôle et finance durant l'entre-deux-guerres plus d'un millier d'oeuvres de l'enfance. À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, près de la moité des enfants âgés de moins d'un an, accompagnés de leur mère, y sont suivis de manière plus ou moins prolongée. Ces oeuvres participent à un vaste mouvement d'éducation maternelle et d'assignation des femmes à la sphère reproductive et domestique, tout en favorisant la médicalisation de la grossesse et de l'accouchement.

Cette thèse étudie le mouvement de protection sanitaire du jeune enfant et la médicalisation de la maternité dans une perspective de genre. À travers une analyse des discours de ses promoteurs et des principes d'organisation des oeuvres, elle montre combien les enjeux politiques, sociaux, démographiques et sexués ont durablement influencé l'organisation de la protection infantile et maternelle. Elle apporte de nouvelles réflexions sur la dimension sociale de l'éducation maternelle. Elle met par ailleurs en exergue le rôle essentiel joué par les femmes, aux côtés des médecins, dans la gestion des oeuvres de l'enfance et analyse le statut et les relations de pouvoir qui se sont tissées entre les médecins, les dames patronnesses, les travailleuses sociales et les représentants de l'État. Les investissements sociaux féminins sont analysés sous l'angle de leur autonomie, de leur visibilité et de leur portée émancipatrice. Ce faisant, cette thèse montre de quelle manière les œuvres de l'enfance ont favorisé, de manière assez paradoxale, une transgression des modèles sexués en favorisant un questionnement sur la condition maternelle et l'intervention des femmes dans la sphère publique et politique.