Résumé : Ce travail s’inscrit dans le cadre de la recherche relative au développement de biosenseurs à ADN électrochimiques. Des aspects fondamentaux, ainsi que des aspects d’application de la détection d’hybridation d’ADN sont envisagés.

Dans un premier temps, le comportement interfacial et le processus d’hybridation d’oligonucléotides d’ADN linéaires et ADN hairpin (structure en épingle à cheveux) nonmarqués sont étudiés en formant des monocouches auto-assemblées mixtes de monobrins d’ADN (ssADN) thiolés et d’un hydroxyalcanethiol (4-mercaptobutan-1-ol) par coadsorption spontanée sur des électrodes d’or polycristallin. L’immobilisation de monocouches mixtes ssADN/MCB est caractérisée par voie électrochimique et par spectroscopie des photoélectrons X. Des mesures de chronocoulométrie, en présence de [Ru(NH3)6]3+ (RuHex), permettent de déterminer la quantité d’ADN dans la monocouche mixte formée. Les résultats montrent que l’excès superficiel d’ADN linéaire est plus important que l’excès superficiel d’ADN hairpin sous des conditions de formation identiques.

La réaction de reconnaissance moléculaire d’hybridation est détectée par des mesures d’impédance en présence de [Fe(CN)6]3-/4-. L’hybridation se traduit dans le cas de l’ADN linéaire par une augmentation de la résistance au transfert d’électron Rct tandis que dans le cas de l’ADN hairpin, Rct diminue. Ces différences sont dues au plus faible recouvrement et au changement de conformation des molécules d’ADN hairpin lors de l’hybridation. Des mesures de réflectivité de neutrons nous ont permis de mettre en évidence l’augmentation de l’épaisseur du film d’ADN hairpin et de confirmer le changement conformationel ces sondes lors de la reconnaissance moléculaire.

Dans la seconde partie, nous présentons une nouvelle méthode électrochimique de détection d’hybridation, basée sur les interactions électrostatiques entre le complexe cationique RuHex et les groupements phosphates de l’ADN. Afin d’améliorer la détection des molécules de PNA (peptide nucleic acid) ont été immobilisées comme sondes de reconnaissance moléculaire. Après hybridation des sondes PNA avec le brin complémentaire, RuHex s’adsorbe sur l’ADN hybridé et un signal de réduction de ces complexes redox, enregistré par voltampérométrie alternative, constitue une signature claire de l’hybridation d’ADN à l’interface modifiée. Les interactions RuHex/PNA-ADN ont été étudiées. La constante d’adsorption de RuHex sur l’électrode modifiée PNA/MCB après hybridation est évaluée à 2,9 (±0,3) 105 M-1 en milieu Tris-HCl 0,01M, selon une isotherme de Langmuir.

Les performances analytiques de la méthode de détection (sensibilité, sélectivité et reproductibilité) ont été évaluées et optimisées pour la détection des séquences d’ADN du gène de l’ARNr 23S d’Helicobacter pylori. La méthode de détection électrochimique présentée est assez sélective pour permettre de discriminer les mutations ponctuelles A2143G et A2144C de la séquence de type sauvage. La diminution significative des signaux d’admittance enregistrés en présence des séquences mutées est attribuée à la capacité accrue de discrimination de mutations ponctuelles des molécules PNA.

La réponse de détection est linéaire en fonction du logarithme de la concentration de la cible d’ADN sur plus de quatre ordres de grandeur (10-6 M à 10-10 M). La limite de détection de l’oligonucléotide d’ADN complémentaire de 80 pM est très bonne. La méthode a été appliquée avec succès à la détection de fragments PCR complémentaires de 100 et 400 paires de bases, amplifiés à partir de souches SS1 d’H.pylori.