Résumé : L’Apocalypse de Lorvão appartient au cycle des commentaires illustrés de la vision de Jean aujourd’hui connus sous le nom de «Beatus». Ces œuvres d’exégèse, enluminées surtout dans le nord de la péninsule Ibérique pendant l’occupation musulmane, constituent un ensemble pictural à l’identité artistique indéniable. Cependant, le manuscrit copié et illustré dans le scriptorium du monastère de São Mamede de Lorvão en 1189 diverge à plusieurs reprises des options iconographiques des autres codex et les solutions picturales et stylistiques de l’oeuvre portugaise se détachent significativement de celles des Beatus de la même époque comme par exemple ceux de Manchester, Cardeña ou Navarre. L’oeuvre se différencie aussi du travail produit dans les scriptoria portugais les plus réputés de Santa Cruz de Coimbra et Santa Maria de Alcobaça et amène à nous interroger sur le contexte de création de l’œuvre et sur la visualité qui a été à l’origine de ces images peintes. A partir de l’analyse du travail de figuration du moine artiste on constate que la nature conceptuelle du texte interprétatif s’est superposée à la dramatisation des visions de Jean et qu’elle a conditionné l’attitude créative. C’est donc dans le rapport conceptuel et spirituel entre le travail pictural et le texte exégétique que les images du manuscrit de Lorvão trouvent, en grande partie, leur singularité. La proximité entre l’image et l’exégèse semble aussi avoir été transmise aux enluminures de Lorvão par l’archétype utilisé, dépositaire probable d’une orientation plus conceptuelle et minimale qui serait une caractéristique des enluminures des premiers Beatus. Cela peut aussi avoir une répercussion importante dans la reconfiguration du stemma pictural des Beatus.