Résumé : Les systèmes toxine-antitoxines (TA) sont abondants dans la majorité des génomes bactériens séquencés à ce jour. Ces systèmes codent une toxine stable qui inhibe soit la transcription, soit la traduction, et une antitoxine qui contrecarre l’effet de la toxine par formation d’un complexe avec celle-ci. L’antitoxine est instable suite à sa dégradation continue par les protéases ATP-dépendantes. Afin de maintenir un ratio antitoxine : toxine constant en condition normale de croissance, l’expression des systèmes TA est régulée négativement au niveau transcriptionnel par le complexe toxine-antitoxine.

Au début de notre travail, cinq systèmes TA étaient identifiés dans le chromosome d’E. coli. Il avait été montré par notre laboratoire que parmi ces systèmes, seul yefM-yoeB était activé en condition de surproduction de la protéase ATP-dépendante Lon. Ce résultat était surprenant puisque Lon était connue pour dégrader également l’antitoxine RelB du système chromosomique relBE. Un des objectifs de notre travail était de comprendre les mécanismes sous-jacents à cette spécificité. Nous avons montré que l’antitoxine YefM était dégradée à la fois par Lon et les protéases ClpAP et ClpXP. Nous avons également montré qu’en condition de surproduction de Lon, YefM était fortement instable (t1/2~ 10 min. vs 60 min en condition normale). Cette instabilité accrue permet donc l’activation du système yefM-yoeB, c’est-à-dire la libération de la toxine YoeB du complexe qu’elle forme avec YefM. Nous avons également avons montré que le t1/2 de RelB n’était pas affecté par la surproduction de Lon, ce qui explique pourquoi le système relBE n’est pas activé dans ces conditions. Notre hypothèse était qu’un cofacteur soit nécessaire à la dégradation de RelB par Lon et que celui-ci serait limitant dans nos conditions expérimentales. Le crible génétique que nous avons réalisé n’a cependant pas permis d’identifier de cofacteur de dégradation ni de régulateur transcriptionnel en trans du système relBE.

Un deuxième volet de notre travail de thèse a consisté en l’étude de la fonction des systèmes TA chromosomiques. L’hypothèse prévalente au début de notre travail était que les systèmes TA soient intégrés dans les voies adaptatives de réponses au stress. Cependant, le résultat de leur activation était controversé. L’hypothèse du groupe de Gerdes était que leur activation mène à un état bactériostatique réversible alors que le groupe d’Engelberg-Kulka montrait que le système mazEF était un système de mort programmée. Afin d’éclaircir le rôle des cinq systèmes TA dans la physiologie d’E. coli, nous avons testé l’effet de nombreux stress sur la croissance et la viabilité de souches sauvages et de souches délétées de ces systèmes. Aucune des conditions que nous avons testées n’a entraîné une diminution de la viabilité excluant de manière définitive l’hypothèse de la mort programmée. De plus, l’inhibition de croissance causée par ces différents stress s’est avérée être indépendante des cinq systèmes, de même que la phase de récupération suivant les différents stress. Enfin, nos expériences de compétition ont clairement démontré que les cinq systèmes ne procuraient aucun avantage sélectif aux bactéries dans des conditions de compétition en carence nutritive. Les systèmes TA étudiés dans ce travail ne jouent donc aucun rôle dans l’adaptation aux stress que nous avons testé puisqu’ils n’améliorent ni l’aptitude (fitness), ni la compétitivité des bactéries dans ces conditions.