Résumé : Synthèse de complexes du ruthénium(II) comportant un ligand chiral Base de Tröger bisphénanthroline et étude de leurs comportements en présence d’ADN.

Résumé

Dans la recherche de traitements thérapeutiques spécifiques, l’ADN, centre de stockage de l’information génétique, occupe une place privilégiée. Dans ce cadre, le service de Chimie Organique et Photochimie s’est focalisé sur l’étude de l’interaction des complexes polyazaaromatiques du Ru(II) avec la double hélice. La mise au point de nouveaux ligands ou la fonctionnalisation de ligands existants permet de moduler tant les propriétés photophysiques des complexes que leur interaction avec l’ADN. Dans cette optique, notre thèse de doctorat consiste à développer deux nouveaux complexes de Ru(II) contenant un ligand chiral Base de Tröger bisphénanthroline (BTphen2) : le [Ru(phen)2BTphen2]2+ et le [Ru(TAP)2BTphen2]2+. L’objectif de ce travail consiste plus particulièrement à examiner l’influence de la chiralité et de la structure particulière du ligand BTphen2 sur l’interaction des complexes résultants avec l’ADN.

La première partie de ce travail a été consacrée à l’étude du [Ru(phen)2BTphen2]2+. Trois des quatre stéréoisomères du [Ru(phen)2BTphen2]2+ (les complexes Lambda-R, Lambda-S et Delta-S) ont été isolés pour la première fois avec une pureté optique acceptable à l’aide d’une nouvelle stratégie de synthèse basée sur l’utilisation de blocs de construction optiquement purs. La caractérisation de chacun de ces stéréoisomères par RMN1H et dichroïsme circulaire a ensuite permis de lever toute ambiguïté concernant leur stéréochimie. L’étude des différents stéréoisomères du [Ru(phen)2BTphen2]2+ seuls en solution a montré que l’introduction du ligand BTphen2 modifie les propriétés du complexe par rapport au complexe parent [Ru(phen)3]2+ (allongement de la durée de vie de l’état électronique excité, déplacement bathochrome des maxima d’émission et d’absorption). Par contre, la chiralité du complexe n’induit quant à elle aucune différence significative au niveau des propriétés photophysiques des différents stéréoisomères.

L’étude du [Ru(phen)2BTphen2]2+ en présence d’ADN de thymus de veau a montré que, contrairement au complexe [Ru(phen)3]2+, l’intercalation partielle d’un des ligands phénanthrolines du complexe entre les paires de base de l’ADN est empêchée par la structure coudée du BTphen2. D’autre part, l’introduction du BTphen2 augmente l’affinité du complexe [Ru(phen)2BTphen2]2+ pour la double hélice par rapport au complexe [Ru(phen)3]2+.

La chiralité du [Ru(phen)2BTphen2]2+ influence fortement l’interaction du complexe avec l’ADN-B. Ainsi, la quantification des modifications d’intensité d’émission des différents stéréoisomères en présence d’ADN a permis de mettre en évidence une grande sélectivité d’interaction. Ces études montrent que si la chiralité du centre métallique assure une influence prépondérante dans la stéréosélectivité d’interaction des différents stéréoisomères, cette dernière est néanmoins exacerbée en présence du ligand BTphen2. Ainsi, comme pour la majorité des complexes, le [Ru(phen)2Btphen2]2+ présente une énantiosélectivité d’interaction avec l’ADN-B en faveur des isomères de centre métallique Delta. Par contre, l’introduction du ligand BTphen2 engendre une différence d’affinité entre les stéréoisomères Delta et Lambda plus de 30 fois supérieure à celle observée pour le [Ru(phen)3]2+ ou d’autres complexes de ruthénium(II). La chiralité du ligand BTphen2 se traduit principalement par une différence d’orientation entre la sous-unité phénanthroline non complexée de la BTphen2 (phen’) et le ligand phénanthroline qui lui fait face. Cette différence d’orientation des sous-unités phen’ et phen influence l’adsorption du complexe dans les sillons de la double hélice. Ainsi, lorsque l’on conserve une chiralité identique pour le centre métallique, les stéréoisomères présentant deux sous-untités phen’ et phen sécantes (le Delta-R ou le Lambda-S) s’adsorbent plus profondément dans les sillons de l’ADN que les isomères avec des sous-unités parallèles (le Delta-S ou le Lambda-R).

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