Résumé : Les recherches que nous présentons dans ce manuscrit s’inscrivent dans le cadre de l’analyse des phénomènes de transport fondamentaux impliqués lors du processus d’évaporation d’un film liquide mince. Outre les mécanismes macroscopiques (résistance thermique du solide, capillarité, thermocapillarité, …) qui influencent le comportement de tels films, des développements fondamentaux et expérimentaux ont mis en évidence le rôle significatif d’effets microscopiques, comme les forces de van der Waals [11,96,117]. L’objectif de cette thèse est double. Il s’agit tout d’abord de caractériser les phénomènes locaux qui influencent le processus d’évaporation et ensuite, d’étendre notre étude à une échelle globale “macroscopique”. Ce manuscrit est divisé en deux parties qui correspondent à ces deux objectifs.

L’étude décrite dans la première partie propose une contribution originale à la modélisation de l’évaporation des films minces, y compris au voisinage des lignes de contact. De manière générale, nous cherchons à mettre en évidence l’influence de phénomènes qui se déroulent aux petites échelles sur le transfert thermique d’un film mince déposé sur une paroi plane et chauffée. Dans le cadre de l’hypothèse de lubrification, deux modèles sont dès lors développés. Le premier modèle décrit l’évaporation d’un film liquide mince dans sa vapeur pure tandis que le second modèle porte sur l’évaporation d’un film liquide mince dans un gaz inerte. Les diverses recherches menées sont principalement orientées vers la quantification, d’une part, des angles de contact apparents générés par l’évaporation, malgré le caractère parfaitement mouillant du couple liquide-solide utilisé et, d’autre part, des flux de chaleur et de matière interfaciaux. Une particularité du premier modèle est qu’il généralise divers modèles existants [15,25,86,117] en regroupant un ensemble de phénomènes spécifiques et complexes tels que le saut de température à l’interface liquide-vapeur, la résistance thermique de la vapeur et celle du solide ou la variation locale de la température de saturation à l’interface liquide-vapeur suite à la courbure interfaciale et aux forces de van der Waals. En plus de ces effets, d’autres mécanismes plus classiques sont inclus dans le modèle : la tension superficielle, la thermocapillarité, la pression de disjonction, l’évaporation et le recul de vapeur. Des analyses de stabilité linéaires et des études paramétriques ont été réalisées afin de quantifier l’influence de ces phénomènes sur la stabilité d’un film liquide mince, sur son évaporation et sur le transfert de chaleur associé. Au travers des chapitres 3 et 4, nous mettons notamment en évidence

• comment les forces de van der Waals compensent l’évaporation du film liquide mince de façon à créer un film stationnaire stable,

• pourquoi le recul de la vapeur et la thermocapillarité sont deux phénomènes qui peuvent être négligés dans les conditions étudiées dans ce travail,

• des lois analytiques qui décrivent certaines variables du problème, plus particulièrement l’angle de contact et le maximum du flux de chaleur, en fonction de la surchauffe de la paroi solide.

Faisant suite aux travaux proposés par Haut et Colinet [59], nous avons ensuite développé un second modèle afin de caractériser l’évaporation dans une faible quantité de gaz inerte d’un film liquide mince déposé sur une paroi plate et chauffée. Tout comme dans le cadre de l’étude précédente, notre analyse s’articule autour d’une étude de stabilité linéaire ainsi que d’études paramétriques réalisées sur des nombres caractéristiques du problème. Alors que les conclusions sur la stabilité du film sont indépendantes de la quantité de gaz inerte contenue dans la phase vapeur, il n’en est pas de même pour les transferts de matière et de chaleur interfaciaux comme montré au chapitre 5.

Dans la seconde partie du travail, nous utilisons les conclusions auxquelles nous sommes arrivés dans la première partie dans le cadre d’une application industrielle. En collaboration avec le Centre d’Excellence en Recherche Aéronautique (CENAERO) et la société Euro Heat Pipes (EHP), une stratégie a été élaborée afin de simuler les transferts thermiques radiaux dans une rainure d’un caloduc au niveau de l’évaporateur. Les résultats numériques, obtenus sur base d’un modèle multi-échelle développé à l’ULB et implémenté numériquement lors d’un stage chez CENAERO, montrent que ces transferts sont influencés par la valeur de l’angle de contact. Celui-ci dépendant des phénomènes microscopiques, il s’avère par conséquent nécessaire de les inclure dans le modèle thermique. En effet, si nous ne considérons que les aspects macroscopiques du problème, qui se résument à la conduction dans le solide et dans le liquide, le coefficient d’échange global au niveau de la rainure est surestimé.