Thèse de doctorat
Résumé : Globalement, un tiers de la population mondiale est infectée par Mycobacterium tuberculosis, l'agent infectieux de la tuberculose (TB). Fort heureusement, seuls 5 à 10 % des individus infectés développent un jour une TB active. Les individus non malades restent cependant infectés à vie, on parle d'infection latente. Chaque année, 8-10 millions nouveaux cas de tuberculose active sont recensés et M. tuberculosis est responsable de 1,5 à 2 millions de décès. Depuis plus d'une décennie, M. tuberculosis s'est étroitement associé à l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine. Cette alliance néfaste représente une importante menace pour les pays en voie de développement, car ces 2 pathogènes déciment les forces vives de ces populations. Il faut malheureusement rajouter à ce triste tableau une fréquence grandissante de souches multi-résistantes, voire extensivement multi-résistantes. Face à ces souches, les avancées thérapeutiques du siècle dernier sont pratiquement réduites à néant.

Considérant ces données, il est désormais crucial d'améliorer nos outils de dépistage de l'infection latente, de diagnostic de la maladie active, de prévention (vaccins) et de traitement. Pour atteindre ces objectifs, une des pistes est la caractérisation détaillée des réponses immunitaires. En comparant les réponses immunitaires des sujets infectés de manière latente à celles liées à la maladie active, nous pourrons peut-être comprendre certains mécanismes de protection. L'étude des réponses immunitaires induites par la « Heparin-Binding-Hemagglutinin » (HBHA) s'est faite dans cet objectif. La HBHA est une adhésine exprimée par le complexe M. tuberculosis. Elle est impliquée dans la dissémination extrapulmonaire du bacille et constitue donc un facteur de virulence. Par ailleurs, une vaccination de souris par seulement 3 doses de 5 µg de HBHA suffit à protéger de l'infection avec une efficacité comparable à celle du vaccin BCG. Chez l'homme, les sujets sains mais infectés développent d'importantes sécrétions d'interféron-gamma (IFN-γ) en réponse à cet antigène, alors que la majorité des patients tuberculeux ne le font pas. Cette différence est importante pour comprendre une des raisons d'échappement de M. tuberculosis au contrôle immunitaire. La HBHA est une protéine méthylée et la méthylation s’avère essentielle pour ses propriétés immunoprotectrices.

Nos travaux présentés ici se sont axés sur deux éléments de la réponse immunitaire à la HBHA chez l'homme : d'une part, l'exploitation de la réponse périphérique d'IFN-γ à la HBHA comme outil de dépistage de l'infection latente et, d'autre part, l'étude des raisons de la faible sécrétion d'IFN-γ spécifique de la HBHA lors de la maladie active.

L'évaluation de la sécrétion périphérique d'IFN-γ en réponse à la HBHA a permis de démontrer rétrospectivement que celle-ci permet de détecter plus de 90 % des sujets réagissant positivement à l'injection intradermique de tuberculine. De manière intéressante, l'utilisation d'un test commercial, le QuantiFERON TB Gold IT (QFT-IT) n'a permis de détecter que la moitié des sujets infectés sains. De notre point de vue, le QFT-IT ne peut être recommandé seul pour le dépistage systématique de l'infection latente par M. tuberculosis. De manière parallèle, un test de stimulation basé uniquement sur la sécrétion d’IFN-γ suite à une stimulation à l'ESAT-6, composant du QFT-IT, n'a pas permis d'augmenter la sensibilité, ni d'ajouter une plus-value au test basé sur la HBHA. A l'instar de l'intradermoréaction à la tuberculine, le dépistage de la maladie active reste décevant que ce soit par l'utilisation de la HBHA ou de l'ESAT-6.

La TB active est caractérisée par une basse sécrétion périphérique d'IFN-γ en réponse à la stimulation par la HBHA. Cette faible sécrétion est cependant réversible, puisque un traitement efficace permet d'atteindre des taux d'IFN-γ significativement plus élevés. Ceci nous démontre qu'il s'agit d'une suppression associée à la phase active de l'infection. Nous avons d'abord évalué l'importance de la modulation de la sécrétion d'IFN-γ en réponse à la HBHA par 2 cytokines immunomodulatrices, l'interleukine-10 (IL-10) et le Transforming-Growth-Factor-Beta (TGF-ß). De manière intéressante, alors que ces 2 cytokines sont associées à l'infection par M. tuberculosis, la HBHA n'est inductrice ni d'IL-10, ni de TGF-ß. Les lymphocytes T régulateurs (Treg) expriment 2 marqueurs d'intérêt : le CD25, composant du récepteur à l'IL-2, et Foxp3, un gène régulateur majeur des cellules Treg. Ces cellules sont décrites comme suppressives de réponses immunitaires déclenchées par des antigènes du Soi et du non-Soi. Nous avons montré que la proportion de lymphocytes Treg périphériques est augmentée en cas de TB active. Par ailleurs, nous avons également démontré que ces cellules suppriment la sécrétion d'IFN-γ et la prolifération induite par la HBHA après stimulation des cellules mononucléées sanguines périphériques de patients tuberculeux in vitro. Cependant, la réponse anti-HBHA des patients tuberculeux, qui est démasquée par la déplétion des lymphocytes Treg, n'est pas dirigée contre des épitopes protecteurs. En effet, la méthylation n'influence pas leur sécrétion d'IFN-γ. De ce point de vue, les lymphocytes Treg sont impliqués dans la maladie tuberculeuse et influencent négativement les réponses dirigées contre un antigène protecteur. Cependant, il semble que la TB active soit également associée à une ignorance d'épitopes protecteurs.

Enfin, nous avons également démontré qu'il était possible d'induire des lymphocytes Treg au départ de cellules sanguines périphériques de sujets infectés sains. En effet, la stimulation in vitro des cellules sanguines périphériques en présence de BCG et de TGF-ß est un moyen rapide pour induire l'apparition de lymphocytes Treg fonctionnels in vitro. Ceci nous interroge quant aux rôles des lymphocytes Treg dans la pathogenèse de la maladie. En effet, un excès de TGF-ß circulant est observé dans certaines conditions cliniques à haut-risque de TB post-primaire. De ce point de vue, les lymphocytes Treg pourraient être des acteurs déterminant dans la perte du contrôle à long terme de l'infection et, par là, pourraient être des cibles thérapeutiques d'intérêts lors de l'infection par M. tuberculosis. /Mycobacterium tuberculosis is the causative agent of tuberculosis (TB). It is estimated approximately one third of the World’s population is infected with M. tuberculosis. Fortunately, only 5 to 10 % of the infected individuals will develop the disease throughout their life. However, the other healthy infected individuals remain infected for life: this is the latent TB infection (LTBI). Every year, 8 to 10 million new cases of TB are recorded globally, and about 2 to 3 million of people die from the disease. During the last several decades the co-infection of M. tuberculosis and the human immunodeficiency virus have worsened the picture. This dreadful association currently affects mostly the poorest people of the World. Unfortunately, bad news never stands alone. We now witness increasing emergence of multi-drug-resistant and even of extensively-multi-drug-resistant M. tuberculosis strains. Against these strains current therapeutics are virtually useless.

The development of new tools for prevention (vaccines), diagnostics and treatment is crucial. In order to fulfill these objectives, detailed studies on the immune responses is one of the main tracks to explore. Indeed, the comparison of immune responses in LTBI subjects with those in TB patients may provide some clues to understand immune mechanisms of protection. Studies of the immune responses that are specific to Heparin-Binding-Hemagglutinin (HBHA) may be one of these clues. HBHA is an adhesin, which is expressed by the micro-organisms of the M. tuberculosis complex. It largely contributes to the extrapulmonary dissemination of the tubercle bacilli. Hence, HBHA may be qualified as an important virulence factor. Furthermore, vaccination of mice with three doses of only 5 µg HBHA each affords the same level of protection as vaccination with BCG. In humans, peripheral blood mononuclear cells (PBMC) from LTBI subjects secrete significant levels of IFN-γ in response to HBHA, whereas PBMC from TB patients do not. This discrepancy may be a cornerstone in the understanding of some of the mechanisms underlying the immune escape mediated by M. tuberculosis. HBHA is a methylated protein, and the methylation is crucial for its immuno-protective properties.

This work focused on 2 major issues of the HBHA-specific immune response in humans: the use of the peripheral IFN-γ secretion in response to HBHA as a diagnostic tool for LTBI and the analysis of the underlying mechanisms to the low IFN-γ secretion during active TB.

In our study, the measurement of HBHA-specific IFN-γ secretion resulted in the detection of more than 90 % of the tuberculin-skin-test (TST) positive LTBI. Strikingly, the QuantiFERON TB Gold IT (QFT-IT), a commercial test, failed to identify those LTBI subjects in more than 50 % of the cases. Therefore, we cannot recommend the use of QFT-IT alone instead of the TST for the detection of LTBI. Similarly, a test relying on the detection of IFN-γ secretion upon ESAT-6 stimulation, one of the antigens used in the QFT-IT, was not sufficiently sensitive for the LTBI detection, nor did it improve the sensitivity or the specificity of the HBHA-based test. In contrast to the diagnosis of LTBI, the tests based on HBHA- or ESAT-6-induced IFN-γ secretions displayed poor sensitivity for the diagnosis of active TB.

During active TB, the HBHA-specific IFN-γ secretion in the periphery is low. However, this weak secretion is reversible upon effective treatment, as the IFN-γ response to HBHA is increased after completion of chemotherapy. This is strongly suggestive of an immune suppression during active disease. Therefore, we have first evaluated the role of two immunomodulatory cytokines, interleukin-10 (IL-10) and Transforming-Growth-Factor-Beta (TGF-ß), in the suppression of the HBHA-specific IFN-γ secretion. We found that neutralization of neither IL-10 nor TGF-ß with specific antibodies induced HBHA-specific IFN-γ secretion by PBMC of TB patients in vitro. In contrast, depletion of regulatory T cells (Treg) that express 2 major markers, CD25, a constituent of the IL-2 receptor, and Foxp3, a master regulatory gene, resulted in increased HBHA-specific IFN-γ secretion by the PBMC of TB patients. These cells are known to be involved in the suppression of immune responses to both Self and non-Self antigens. We further show that the size of the peripheral Treg cell population increases during active disease. In addition to suppressing the HBHA-specific IFN-γ secretion these cells suppress T cell proliferation in response to HBHA in vitro. However, even after depletion of the Treg cells, the uncovered HBHA-specific immune responses are not directed to the methylated epitopes during TB disease.

Finally, we show that Treg cells can be induced (or expanded) from the PBMC of LTBI subjects. Stimulation of those PBMC with BCG in the presence of TGF-ß resulted in a quick appearance of functional Treg cells in vitro. This observation strongly suggests a role of Treg cells in the pathogenesis of TB, in particular in the progression of latency to reactivation. Interestingly, excessive concentration of TGF-ß, associated with various clinical conditions, is high risk factor for post-primary TB. Thus, Treg cells may result in the loss of immune control against latent M. tuberculosis infection. Therefore, Treg cells may represent potential therapeutic targets during M. tuberculosis infection.