Résumé : Introduction

Dans le monde, presque 10,6 millions d’enfants meurent chaque année avant d’avoir atteint leur cinquième anniversaire. En dépit de l’existence théorique d’interventions curatives efficaces, on constate que la mortalité intrahospitalière peut demeurer très élevée dans les services de pédiatrie de nombreux pays à faible revenu notamment en Afrique. Pour améliorer la prise en charge des enfants dans ces hôpitaux et par conséquent la survie des enfants, il est nécessaire avant tout de faire le constat de la situation et de la reconnaître, d’en analyser les causes, de s’attaquer aux déterminants vulnérables et de se doter d’outils d’évaluation de la qualité de soins dans les hôpitaux. En tant que pédiatre oeuvrant à l’HPG, j’ai constaté que la mortalité intrahospitalière était élevée. Fruit d’une démarche personnelle, ce travail avait pour objectif global la réduction de cette mortalité.

Pour y arriver, les objectifs spécifiques étaient les suivants :

1) Décrire et évaluer la qualité des soins intrahospitaliers chez les enfants à l’HPG.

2)Préciser la mortalité intrahospitalière globale ainsi que les mortalités spécifiques.

3)Etudier l’importance des facteurs associés à la surmortalité des enfants à l’Hôpital Provincial de Goma.

4)Construire un modèle de prédiction de la mortalité globale intrahospitalière ainsi qu’un score pronostique adapté au contexte.

5)Mettre en place un programme de formation et de supervision du personnel médical et paramédical.

6)Etudier l’impact de ce programme sur la mortalité intrahospitalière.

Méthodologie

Les analyses ont porté sur les données des études qui se sont déroulés dans le service de pédiatrie de l’hôpital provincial de Goma (HPG), il s’agit des études suivantes: une étude descriptive d’observation d’évaluation de la qualité des soins intrahospitaliers des enfants en décembre 2004 (étude qualitative utilisant la méthode de Nolan), une étude de cohorte prospective intrahospitalière portant sur les indicateurs prédictifs de la mortalité (du 1er avril 2003 au 31 mars 2004) (« avant ») , suivi d’une intervention dont l’impact avait été évalué de nouveau par une étude de cohorte prospective intrahospitalière (du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005) (« après ») (étude d’intervention quasi-expérimentale).

Résultats

Les résultats du travail étaient les suivants :

A) -Les facteurs qui augmentent le risque de décès étaient la référence tardive et la sévérité de la maladie à l’admission.

-Les facteurs limitant la qualité de la prise en charge et qui contribuaient probablement au mauvais pronostic étaient :

1)A l’admission, le triage n’était pas toujours correctement fait, les soins d’urgences étaient retardés l’après-midi et la nuit et 12% des admissions étaient différés. Il n’y avait pas de grille d’évaluation initiale, ni des guides pratiques de l’OMS, ni les guides standardisés de prise en charge, ni de kit d’urgence.

2)En hospitalisation, il y avait une insuffisance en nombre du staff (surtout l’après-midi et la nuit), le monitoring de base et les soins infirmiers étaient insuffisants surtout la nuit, les cliniciens notaient les signes cliniques, mais ne les documentaient pas toujours, le délai pour avoir le diagnostic était trop long et l’indisponibilité des médicaments prescrits.

-Le staff du service avait des connaissances théoriques et pratiques insuffisantes et une motivation insuffisante

B)-Durant la première étude de cohorte, une mortalité globale de 15,9% et des mortalités spécifiques anormalement élevées ont été observés. Les enfants les plus à risque de décès avaient, à l’admission, les caractéristiques suivantes : un âge < 1 an, un périmètre brachial < 115 mm ou un retard de croissance pondérale (-3< Z-PPA ≤ -2 et Z-PPA ≤ -3), une altération de la conscience, une raideur de la nuque, un tirage intercostal et une infection.

C)-Ces premières données avaient permis de construire le modèle Goma1 basé essentiellement sur les indicateurs suivants : l’âge,le périmètre brachial, l’état de conscience et le type d’infection. Grâce au score pronostique, il était destiné à la sélection à l’admission des enfants à risque élevé de décès pour une admission en soins intensifs et à la standardisation de la mortalité en vue de l’évaluation de la qualité de prise en charge.

D)-Une intervention a été menée, en décembre 2004 portant essentiellement sur la formation et la supervision du personnel de santé œuvrant à l’HPG. Grâce à une évaluation avant-après, on a pu déterminer l’impact probable de cette intervention : la mortalité globale a diminué de 15,9% (avant l’intervention) à 4,6% (après l’intervention) et restait toujours plus basse après l’intervention et après ajustement à l’aide du modèle.

Conclusions

La mortalité pédiatrique intrahospitalière est généralement beaucoup trop élevée et c’était le cas à l’HPG.

Notre démarche après ce constat et l’évaluation de la qualité des soins donnés aux enfants sur base d’un questionnaire qualitatif a été d’intervenir sur un des points mis en exergue par cette évaluation (formation et supervision du personnel insuffisante) et d’évaluer l’impact de ce programme sur la mortalité globale.

Les résultats ont suggéré un impact positif de ce programme (mortalité globale de 15,9% avant l’intervention et de 4,6% après l’intervention).

Si de nombreuses critiques liées à la méthodologie (évaluation uniquement qualitative, étude quasi-expérimentale avant-après, intervention limitée, etc) doivent être épinglées et limitent la portée de ce travail, la démarche entreprise a cependant permis de mobiliser le personnel de santé œuvrant dans des conditions difficiles, autour d’un projet commun et améliorer ainsi la prise en charge des enfants hospitalisés à l’HPG.