Résumé : Ce travail s’attache à répondre à deux préoccupations majeures :

-déterminer le statut sociolinguistique du kindubile, parler des enfants de la rue de Lubumbashi appelés « shege ».

-préciser les contextes de mobilisation du kindubile par les shege ainsi que les différentes significations qu’il revêt à leurs yeux.

Il est basé sur un corpus très hétérogène: les données verbales (entretiens semi-directifs, libres, récits de vie, chansons et surnoms) et les matériaux picturaux (graffitis, tags et dessins) produits par les enfants eux-mêmes. Les analyses sont inspirées en linguistique par la pragmatique et en sociologie par l’interactionnisme symbolique, la théorie de l’acteur et du système ainsi que la théorie dispositionnaliste de Bernard Lahire.

Cette dissertation a conduit aux résultats suivants :

-le kindubile est un argot swahili. Sa grammaire est globalement identique à celle du kiswahili de Lubumbashi. La seule différence s’observe au niveau du lexique. Celui-ci, outre les procédés de création cryptique (adjonctions, suppressions, permutations et leur combinaison reste prolixe et focalisé sur certains registres seulement : la nourriture, l’argent, la débrouille, la violence et la sexualité. Ces domaines demeurent hautement significatifs à leur yeux d’autant plus qu’ils sont corrélés et indispensables à la vie de rue.

-Les enfants de la rue recourent à l’argot pour communiquer entre eux, pour un repli identitaire (ils veulent s’affirmer comme un groupe particulier et en même temps être reconnus autant que respectés comme des personnes humaines à part entière). Ils recourent également au kindubile pour crypter leur message en parlant des stupéfiants, de la sexualité ou en voulant subtiliser un bien à quelqu’un). Ils emploient aussi le kindubile comme un espace de défoulement. En effet, ils expriment leur mécontentement de la société qui les a produits mais craignant les représailles, ils préfèrent s’exprimer en argot. Ils parlent aussi kindubile pour provoquer la peur chez leur interlocuteur lorsqu’ils le jugent nécessaire.