Résumé : La thyroïde capte et concentre l’iodure afin de produire les hormones thyroïdiennes T3 et T4. L’iodure est capté au pôle basolatéral du thyrocyte par le symporteur Na+/I- (NIS) et transporté jusqu'au pôle apical de la cellule où il est oxydé par la thyroperoxydase (TPO). La forme oxydée de l’iodure se lie à des résidus tyrosyls de la thyroglobuline (Tg), contenue dans la thyroïde, qui couplés donneront naissance à la T3 et la T4. L’iodation et le couplage sont possibles grâce à la thyroperoxydase et à la présence d’un système générateur d’H2O2. Celui-ci est composé des protéines à sept hélices transmembranaires Duox1 et Duox2 présentant 83% de similitude de séquence entre elles et possédant deux motifs EF-hand ainsi qu’un site de liaison au FAD et quatre sites de liaison au NADPH. Dans la thyroïde humaine, l’ARN messager de Duox2 est plus exprimé que celui de Duox1. Jusqu'il y a peu de temps, nous n'avions à notre disposition aucun anticorps spécifique de l’une ou l’autre des Duox. Il n'était donc pas possible de déterminer si cette différence d’expression se retrouve au niveau protéique. Les PCCl3 sont une lignée de thyrocytes de rat possédant un système générateur d’H2O2 fonctionnel. Contrairement aux cultures primaires de thyrocytes humains, ces cellules peuvent être transfectées facilement. L’introduction de siRNAs spécifiques de Duox1 ou Duox2 de rat, via des vecteurs plasmidiques, a permis de démontrer que le peroxyde d’hydrogène produit par les PCCl3 est principalement généré par Duox1. En effet, l’inhibition de l’expression de Duox1 est directement corrélée à la diminution de production d’H2O2. Cette inhibition n’interfère pas avec d’autres fonctions de la cellule thyroïdienne puisque les cellules invalidées pour Duox1 sont toujours capables de capter l’iodure. De plus, la réintroduction de l’expression de Duox1 par transduction lentivirale permet de restaurer la production de peroxyde d’hydrogène.

Faute d’une maturation correcte des protéines Duox à la membrane plasmique, il a longtemps été impossible de reconstituer un système générateur d’H2O2 actif par transfection de Duox1 et/ou Duox2 en système hétérologue. En 2006, les protéines activatrices des protéines Duox1 et Duox2, respectivement appelées DuoxA1 et DuoxA2, ont été identifiées. Leur co-expression avec les enzymes Duox permet à ces dernières de migrer à la membrane et d’être actives. La distribution tissulaire des protéines DuoxA est parallèle à celle des Duox. La découverte des protéines activatrices a permis d’étudier spécifiquement la régulation de l’activité de Duox1 et de Duox2. La production d’H2O2 de Duox1 est positivement régulée par la voie de l’AMPc via des phosphorylations par la protéine kinase A (PKA). La génération d’H2O2 de Duox2 est sous le contrôle de la voie des phosphatidylinositols-Ca2+ conduisant à l’activation de la protéine kinase C (PKC). L’activation de Duox2 est également corrélée à une modification de l’état de phosphorylation de la protéine. Dans les thyrocytes humains, le récepteur de la TSH est couplé aux protéines Gs et Gq/11. La TSH liée à son récepteur est donc capable d’activer la voie de l’AMPc et la voie des phosphatidylinositols-Ca2+. Dans les thyrocytes humains en culture primaire, l’activation de la PKA et de la PKC mène également à une augmentation de la phosphorylation des protéines Duox.

En conclusion : 1) Duox1 est majoritairement responsable de la production d’H2O2 dans la lignée de thyrocytes de rat PCCl3 ; 2) l’activité de Duox1 humain co-exprimé avec son activateur en cellules Cos-7 est régulée positivement par la voie de l’AMPc via des phosphorylations par la PKA ; 3) l’activité de Duox2 humain co-exprimé avec son activateur en cellules Cos-7 est stimulée par la voie des phosphatidylinositols-Ca2+ via des phosphorylations par la PKC ; 4) les thyrocytes humains expriment les deux protéines Duox. La production d’H2O2 est augmentée suite à l’activation de la voie de l’AMPc et de la voie des phosphatidylinositols-Ca2+. Les protéines Duox sont phosphorylées au niveau basal et cette phosphorylation est augmentée suite à l’activation de la PKA ou de la PKC.