Résumé : Les patients décrits initialement par J. Noonan se ressemblent et ont une cardiopathie congénitale : soit une sténose valvulaire pulmonaire (SVP), soit une persistance du canal artériel. Avant la découverte du premier gène responsable de ce qui est devenu le syndrome de Noonan, cinq études de cohortes décrivant ces patients ont répertorié la prévalence de SVP mais le spectre des cardiopathies semble large, n’a pas été décrit de manière exhautive et aucune hypothèse n’est émise ou ne fait de lien entre ces différentes manifestations cardiaques et une compréhension intégrée du développement embryonnaire. Le gène PTPN11 est le premier gène identifié chez 40% de ces patients. Une corrélation existe entre la présence d’une mutation et la survenue de SVP de même qu’entre l’absence de mutation et la présence d’une cardiomyopathie hypertrophique. Six études de cohortes ont repris la description des mutations identifiées au sein du gène PTPN11 et les phénotypes associés, mais les cardiopathies n’ont pas été systématiquement ou spécifiquement analysées (tant au sein des groupes de patients porteurs de mutation que de ceux sans mutation). Le syndrome LEOPARD est allélique du syndrome de Noonan depuis que des mutations spécifiques au sein des exons 7,12 et 13 du gène PTPN11 ont été identifiées chez 95% des patients.

Afin d’appréhender les implications possibles du gène PTPN11 dans la survenue des cardiopathies chez les patients porteurs de ces deux syndromes, nous avons conduit une étude chez 272 patients au syndrome de Noonan et une étude chez 19 patients porteurs du syndrome LEOPARD. Parmi la cohorte de patients atteints du syndrome de Noonan, 104 ont été diagnostiqués porteurs d’une mutation du gène (38%). Une prévalence de survenue de cardiopathies affectant les structures droites du cœur se dégage chez les patients identifiés porteurs d’une mutation avec une différence significative pour la SVP, une tendance est relevée pour le canal atrio-ventriculaire et la communication inter-auriculaire de type Ostium Secundum. L’absence de mutation est corrélée avec la survenue de cardiomyopathie hypertrophique et de cardiopathies du cœur gauche. Parmi les patients atteints du syndrome LEOPARD, il n’existe pas de différence statistiquement significative pour les patients porteurs d’une mutation ou non et/ou pour une cardiopathie particulière.

Toutes les mutations identifiées du gène PTPN11 sont des mutations ‘faux-sens’. Ce gène appartient à la famille des gènes codant pour une protéine tyrosyl phosphatase, SHP-2, ne possédant pas de récepteur trans-membranaire. Cette phosphatase est impliquée dans la voie de signalisation cellulaire des MAP (‘Mitogen-activated protein’) kinases dont l’expression est ubiquitaire et inclut le coeur. Depuis nos travaux, le concept de syndrome « neuro-cardio-facio-cutané » est établi puisque, à ce jour, 9 gènes (SOS1, RAF1, BRAF, KRAS, NRAS, HRAS, NF1, SPRED1 et SHOC2), tous impliqués dans la voie de signalisation RAS (voie des MAP kinases) sont identifiés. Un spectre phénotypique existe avec des signes communs mais aussi distinctifs chez les patients présentant le syndrome de Noonan, le syndrome LEOPARD, le syndrome de Costello, le syndrome Cardio-Facio-Cutané (CFC), le syndrome « Noonan-NF1 », le syndrome de Legius et le syndrome « Noonan/Multiple Giant Cell Lesion ». Nous rapportons enfin l’observation d’une patiente atteinte du syndrome CFC et porteuse d’une mutation (p.R257Q) au sein du gène BRAF ayant développé une cardiomyopathie hypertrophique.

Ces travaux de cohortes de patients au phénotype du syndrome de Noonan, du syndrome LEOPARD et cette dernière description d’une patiente au syndrome CFC ont permis de participer à la découverte de l’implication d’une voie de signalisation cellulaire dont l’origine génétique est maintenant démontrée. Les résultats de nos travaux réalisés depuis 2002 auront permis, avec les équipes travaillant sur le même sujet, d’orienter les investigations et les nouveaux projets de recherche qui étudient spécifiquement le rôle du gène PTPN11 dans l’embryologie du cœur. Les études des orthologues (zebrafish, murin et Drosophila) porteurs à l’état hétérozygote d’une mutation du gène PTPN11 permettent d’intégrer les anomalies phénotypiques et cardiaques observées. Ces études permettent de postuler les effets cellulaires produits par les mutations chez les patients atteints du syndrome de Noonan et chez les patients atteints du syndrome LEOPARD engendrant in vitro une activation de la phosphatase (effet « gain de fonction ») pour les premiers ou une réduction de l’activité phosphatase (« dominant négatif ») mais engendrant un effet gain de fonction in vivo. Nous discutons les connaissances acquises, les compréhensions obtenues et intégrées et traçons enfin les perspectives offertes par ces travaux.