Résumé : L’objectif principal de cette recherche est d’analyser les politiques d’intégration des personnes issues de l’immigration développées par les entités fédérées belges et d’en expliquer les différences principales, et ce depuis la communautarisation de cette politique publique en 1980. Cette date marque également le début d’une période dans laquelle l’installation définitive des immigrés est graduellement acceptée. Marco Martiniello, dans un article publié en 1996, avançait que la coïncidence de la découverte de la question de l’intégration en Belgique, parallèlement au processus des réformes d’Etats consécutives, a donné lieu à des « combinaisons très particulières » (Martiniello, 1996 : 87). Ce constat, ainsi que la thèse selon laquelle le nationalisme ethno-culturel flamand et le nationalisme citoyen wallon seraient à l’origine de deux « philosophies » de l’intégration « qui se sont développées dans des directions opposées » sont à la base des interrogations qui constituent le fondement de notre travail. Notre these se situe ainsi dans le débat scientifique international sur les « modèles nationaux de l’intégration », initié par des auteurs, tels que Rogers Brubaker (1992), qui postulent que différents « idiomes culturels de la nation » sont à l’origine de différentes politiques d’accès à la citoyenneté. Cette différenciation des politiques d’intégration, en terme d’idées, a conduit à des catégorisations différentes. En Belgique, la catégorisation dominante des politiques d’intégration des entités fédérées est celle identifiant les politiques d’intégration en Belgique francophone comme proche d’un modèle « assimilationniste » ou « d’intégration individuelle » à la française, et celles menées en Flandre comme « multiculturalistes » et influencées par les Pays-Bas (Rea, 1993 & 1994 & 2000; Martiniello, 1995 & 1996 ; Magnette, 2000 ; Jacobs, 2001 ; Martens et Caestecker, 2001, Verlot, 2001 & 2004 ; Martiniello et Rea, 2004 ; Jacobs et Rea ; 2005). Plusieurs constats nous ont amenés à questionner cette interprétation dominante.

Notre recherche a un premier objectif, d’ordre empirique, et un deuxième, d’ordre interprétatif. Premièrement, nous visons à décrire et à analyser l’élaboration des politiques d’intégration pour vérifier si ces politiques publiques sont effectivement guidées par des cadres de pensée différents. Nous avons cherché à observer où résident les principales différences entre les cadres de pensée, et si les politiques d’intégration sont caractérisées par de longues périodes de stabilité ou, au contraire, par des changements radicaux. Nous avons en effet démontré que les cadres de pensée guidant les politiques d’intégration des entités fédérées sont différents mais que les différences ne se situent pas au niveau de l’objectif d’homogénéité versus diversité culturelle mise en avant par l’assimilationnisme et le multiculturalisme, comme plus approprié pour arriver à une meilleure insertion sociale, économique et politique des immigrés et à la cohésion sociale, mais dans le degré d’interventionnisme d’Etat relatif à la dimension culturelle de l’intégration jugé nécessaire pour atteindre l’un ou l’autre de ces objectifs. Nous avons également mis en lumière que les politiques d’intégration en Belgique francophone sont caractérisées par une plus grande stabilité qu’en Flandre.

Deuxièmement, une fois que nous avions déterminé comment nous pouvons catégoriser les différentes politiques d’intégration au regard de leurs cadres de pensée dominants, et que nous avions déterminé si elles sont caractérisées par une longue période de stabilité ou, au contraire, par des changements radicaux, nous avons tenté de répondre au deuxième objectif de cette recherche, à savoir l’interprétation des différences essentielles. La différence quant aux cadres de pensée qui guident les politiques d’intégration a été interprété par des caractéristiques institutionnelles, à savoir les différents systèmes de partis menant à une politisation différente de la politique publique en question, de même que le différent engagement des entités fédérées belges dans un processus de (sub-)nation building.