Résumé : La question des infections sexuellement transmissibles (IST) en Afrique a longtemps été

négligée par des chercheurs africains spécialistes en sciences sociales, en raison notamment du tabou

qui entoure la sexualité dans ce continent. Toutefois, les dernières décennies ont donné lieu à plusieurs

recherches menées principalement par les Européens africanistes sur ces pathologies grâce à

l’émergence de la pandémie actuelle du Sida. La plupart des travaux réalisés sont axés sur les facteurs

de risque, les mécanismes de diffusion, les croyances et les attitudes populaires face à ces maladies, les

politiques de lutte, etc. Mais les études historiques consacrées aux IST sont très rares. Celles qui

existent ont surtout mis en évidence la dimension démographique axée sur le problème de la dénatalité

en laissant dans l’ombre le contexte socio-historique et les conditions socio-épidémiologiques de

propagation de ces affections. Au moment où le Sida fait des ravages dans le monde et tout

particulièrement en Afrique subsaharienne, l’intérêt d’une réflexion historique sur les IST au Congo

n’est plus à démontrer.

Contrairement à une affirmation classiquement admise dans la littérature, selon laquelle la

lutte contre les IST au sein de la population congolaise fut un franc succès pour les autorités coloniales

surtout après la Deuxième Guerre mondiale, cette thèse montre plutôt l’augmentation de la prévalence

des IST dans le temps. Les archives inédites et l’analyse des données révèlent que cette progression

continue est la conséquence de l'urbanisation accélerée et de la monétarisation de la société et de la sexualité entraînant des modes de vie propres à la société coloniale urbaine. Les villes issues de ce processus deviendront non seulement des espaces

d’acculturation et de modernité, mais aussi des lieux d’expansion de ces maladies. Le développement

de la prostitution et la multiplicité des partenaires sexuels, à travers les unions plus libres et

momentanées, sont les principaux facteurs explicatifs de cette observation.

On présente généralement de manière panégyrique l’oeuvre sanitaire coloniale de la Belgique

au Congo comme ‘‘modèle’’. Pourtant, aucune étude n’a déjà été menée pour examiner, de manière

chiffrée, les aspets liés aux différences de santé entre les Congolais et les Blancs. Cette

dissertation vient combler les lacunes existantes dans ce domaine. De ce point de vue, il en résulte de

fortes inégalités et des déséquilibres persistants de santé entre ces deux types de populations. Les Congolais beaucoup plus

nombreux, socialement défavorisés, ne bénéficient que d’une situation peu ou moins favorable ; tandis

que les Blancs, socialement plus favorisés, bénéficient en général d’une meilleure situation sanitaire.

Plusieurs indicateurs élaborés dans ce travail sont révélateurs de cette réalité coloniale, en termes

d’équipements sanitaires, d’accès et d’utilisation de soins et d’état de santé différencié./

The issue of sexually transmitted infections (STI) in Africa has long been neglected by

researchers African social scientists, particularly because of the taboo surrounding sexuality in Africa.

However, recent decades have resulted in several research conducted mainly by the European

Africanists on these diseases through the emergence of the current pandemic of AIDS. Most of studies

are focused on risk factors, distribution mechanisms, the popular attitudes about these infections,

control policies... But historical studies on STI are seldom examined. Those that exist are mainly

concerning the demographic dimension focuses on the problem of declining birth, leaving the socio-historical

and socio-epidemiological spread of such diseases. While AIDS is ravaging the world and

especially in sub-Saharan Africa, one thing to mention is that the interest of historical reflection on

STI in the Congo is obvious.

Contrary to an assertion conventionally accepted in the literature, that the fight against

gonorrhea and syphilis among the Congolese population was a success for the colonial authorities,

especially after the Second World War, our thesis shows rather the increasing prevalence of STI. The

archives and analysis of data indicates this continued progress is the result of special conditions of

industrialization and urbanization colonial that make people vulnerable. Cities from this historical

process will not only areas of acculturation and modernity, but also places for expansion of these

diseases. The development of prostitution and multiple sexual partners through free and temporary

unions are the main factors explaining this observation.

It has generally praises how the actions of Belgian colonial health in the Congo as 'model'.

However, no study has been conducted to establish or to compare quantitatively the health status

between Blacks (Congolese) and Withes (Europeans in majority). This essay shows the social health

inequalities among these two populations. The Congolese many in number, but more socially

disadvantaged have only less favorable conditions to health. While the white people, socially

privileged, generally have better health status. Several indicators developed in this study are revealing

of the colonial reality in terms of sanitation, access and use of care and health status differential.