Résumé : Les nucléotides, et tout particulièrement l’ATP, sont capables de moduler la fonction de l’un des principaux acteurs de la réponse immunitaire à savoir les cellules dendritiques (DC). Les DC expriment à leur surface de nombreux récepteurs P2X et P2Y dont le P2Y11, couplé à la voie de l’AMP cyclique (AMPc) et impliqué dans l’immunomodulation. L’ATP est capable, par son action sur le P2Y11, d’induire une semi-maturation des DC caractérisée entre autre par une diminution de la sécrétion d’IL-12 et une augmentation de la sécrétion d’IL-10. De plus, des données antérieures obtenues au laboratoire montrent que l’ATP confère également des propriétés immunosuppressives aux DC en stimulant l’expression de la thrombospondine-1 (TSP-1) et de l’indoléamine-2,3-dioxygénase (IDO).

Dans ce contexte, notre projet visait à établir un profil d’expression génique en réponse à l’ATP dans des DC humaines issues de monocytes (MoDC) afin d’avoir une vue globale de l’action de l’ATP sur les DC. Dans un premier temps, nous avons donc réalisé une étude cinétique comparant les profils d’expression génique en réponse à l’ATPγS, un agoniste plus stable que l’ATP, et à la prostaglandine E2 (PGE2), un activateur de l’AMPc induisant une semi-maturation des DC, par la technique de microarray. L’analyse de ces profils a mis en évidence une action précoce et large de l’ATPγS sur les MoDC. Un grand nombre de régulations obtenues ont confirmé les effets déjà connus de l’ATP sur les DC. Par ailleurs, nous avons confirmé par différentes techniques plusieurs nouvelles cibles de l’ATP impliquées dans l’inflammation et la réponse immunitaire (ex. CSF-1, NRP-1, VEGF).

En analysant plus en détail ces profils, nous avons observés la régulation de plusieurs gènes dont VEGF, AREG, EREG et HB-EGF, intervenant dans les processus d’angiogenèse et de tumorigenèse. Parmi ceux-ci, le gène AREG codant pour l’amphiréguline, un ligand de l’EGF récepteur (EGFR) était le gène le plus régulé dans notre profil microarray. Pour la première fois, nous avons démontré que les DC traitées à l’ATPγS en présence de LPS constituaient une importante source d’amphiréguline capable de stimuler la croissance de cellules musculaires lisses et de cellules tumorales LLC (Lewis Lung Carcinoma) in vitro.

Parallèlement, nous avons étudié l’implication des cellules dendritiques traitées à l’ATPγS sur la croissance tumorale in vivo. Pour ce faire, nous avons coinjecté, à des souris C57 black/6, des cellules tumorales LLC avec des surnageants issus de BMDC traitées au LPS ou au LPS+ATPγS. De cette façon, nous avons mis en évidence que des surnageants issus de BMDC traitées au LPS+ATPγS induisaient une augmentation significative de la masse tumorale par rapport aux surnageants issus de BMDC traités au LPS seul. Au moyen d’un anticorps bloquant anti-amphiréguline, nous avons démontré que cette augmentation de la masse tumorale était due à l’importante sécrétion d’amphiréguline par les BMDC traitées au LPS+ATPγS. De plus, nous avons observé une augmentation du nombre de vaisseaux positifs pour l’α-SMA, un des marqueurs des cellules musculaires lisses, dans les tumeurs issues de la coinjection de cellules LLC avec des surnageants de BMDC traitées au LPS+ATPγS. Pour finir, nous avons montré que les DC au sein des tumeurs LLC expriment non seulement le récepteur EGFR mais également l’amphiréguline. Ces différents résultats observés mettent en avant l’importance de l’ATP extracellulaire dans la croissance tumorale par son action sur les DC.