Thèse de doctorat
Résumé : Existe-t-il un consensus scientifique sur les conditions de la durabilité ? Est-il possible de construire un indicateur unique de soutenabilité faible ? Quelles sont les composantes objectives et subjectives des indicateurs ? Peut-on envisager des indicateurs objectifs de soutenabilité ? Quelles voies de recherche sont-elles nécessaires pour développer des indicateurs de développement durable ? Telles sont les questions auxquelles cet ouvrage tente de répondre.

La comparaison des courants de la soutenabilité faible et de la soutenabilité forte nous sert de fil conducteur pour évaluer la part normative et la part objective du choix des paramètres et de leur méthode d'agrégation. L'agrégation arithmétique implique des hypothèses de substituabilité entre les facteurs, ce qui relève de la soutenabilité faible. La pondération, toujours normative, peut être explicite ou se traduire par le choix d'une unité ou dimension unique. Nous redéfinissons la soutenabilité faible comme étant la réduction de la complexité à une dimension unique. Il y a dès lors autant d'indicateurs de soutenabilité faible que de choix possibles de cette dimension unique. En particulier, l'empreinte écologique par habitant relève d'une forme "écologique" de soutenabilité faible. Le prix de marché est l'unité fondamentale de mesure de sa forme "économique". Nous montrons que les acteurs ne savent pas bien identifier leur intérêt et qu'ils ne sont pas parfaitement égoïstes, ce qui introduit un biais non systématique remarquable dans toute mesure en unité monétaire. La soutenabilité forte se caractérise par la multiplicité de dimensions ou "capitaux critiques" dont le dépassement d'un seul suffit à déterminer la non soutenabilité. Les différentes formes de soutenabilités faibles peuvent représenter des capitaux critiques parmi d'autres.

Nous présentons une typologie des acteurs et du partage des responsabilités, également susceptible d'introduire des grandes divergences dans les résultats publiés. Quelques études de cas illustrent ces différents éléments dans des contextes contrastés. L'empreinte écologique de consommation se limite en particulier à une responsabilisation du seul consommateur, alors que les comptes nationaux permettent d'envisager la coresponsabilité de l'ensemble des acteurs. L'indicateur de "dématérialisation de l'économie" appliqué à un village indien montre la pertinence de mesurer l'utilisation absolue de matière sans pondération monétaire. Il est par ailleurs possible de minimiser le coût de dépollution sans toucher à la limite absolue d'émissions globales de centrales thermiques. Les deux dimensions, coûts sociaux et bénéfices environnementaux, peuvent donc être traitées séparément.

En conclusion, il est possible d'identifier, dans chaque calcul d'indicateur de développement durable, une composante relativement objective de soutenabilité "forte" et une composante "faible", négociable, de partage des droits et responsabilités.

/ We study how different world views may influence how to develop sustainable development indicators. The comparison of weak sustainability and strong sustainability serves as a guide to estimate the share of objective versus normative choice of parameters and their method of aggregation. We then present a typology of actors and shared responsibilities, which may also introduce large discrepancies in the results published. Some case studies illustrate these different elements in contrasting contexts. It appears that it is possible to identify in each calculation of sustainable development indicator, a relatively objective component of sustainability and a negotiable component of shared rights and responsibilities.