Résumé : En République Démocratique du Congo, la crise économique nationale, la dévaluation du franc Congolais et les guerres de ces dernières années ont entraîné une dépendance croissante des populations des villes et des campagnes vis-à-vis de la médecine traditionnelle. Deux types de médecines traditionnelles sont pratiqués par les bantous et les pygmées de Bikoro. La médecine traditionnelle populaire, c'est-à-dire celle connue de la majorité de la population du village et la médecine traditionnelle spécialisée, c'est-à-dire pratiquée par les spécialistes (Guérisseurs).

Une enquête ethnobotanique sur l’utilisation des plantes en médecine traditionnelle par les bantous et les pygmées a été réalisée dans 10 villages du territoire de Bikoro, durant 11 mois. Dans chaque village, l’enquête s’est déroulée en deux étapes : la première sur les maladies soignées, les plantes et les recettes utilisées en médecine traditionnelle populaire et la seconde sur les maladies soignées, les plantes et les recettes utilisées en médecine traditionnelle spécialisée. Les informations relatives à la médecine traditionnelle populaire ont été récoltées au cours d’entretiens collectifs en utilisant un questionnaire semi-structuré, tandis que celles relatives à la médecine traditionnelle spécialisée ont été collectées au cours d’entretiens directs en utilisant le même type de questionnaire.

Au total, 133 affections sont soignées en médecine traditionnelle par les pygmées et les bantous de Bikoro. Elles font intervenir 205 espèces botaniques et 976 recettes. En médecine traditionnelle populaire, les pygmées soignent 42 affections, utilisent 73 espèces botaniques et emploient 150 recettes. Les bantous soignent 41 affections, utilisent 62 espèces botaniques et 128 recettes. En médecine traditionnelle spécialisée, les pygmées soignent 54 affections, utilisent 74 espèces botaniques et 151 recettes. Les spécialistes bantous soignent 119 affections, utilisent 185 espèces botaniques et 704 recettes.

En médecine traditionnelle populaire de Bikoro, les bantous et les pygmées utilisent souvent les mêmes organes végétaux, les mêmes modes de préparation des drogues et les mêmes modes d’administration de recettes. Ils soignent en général les mêmes maladies. Les différences s’observent au niveau des plantes utilisées et des recettes préparées par chaque communauté. Si les pygmées Twa et leurs voisins Oto utilisent les mêmes organes des plantes et emploient les mêmes modes de préparation et d’administration de recettes en médecine traditionnelle spécialisée, il existe une différence significative entre les maladies soignées, les plantes utilisées et les recettes préparées par ces deux communautés.

Cette étude a permis de caractériser le territoire de Bikoro concernant son recours à la médecine traditionnelle et a mis en évidence l’existence des flux d’utilisations des plantes entre la médecine traditionnelle populaire (bantoue et pygmée) et la médecine traditionnelle spécialisée (bantoue et pygmée).

Mots clés : Plantes, Médecine traditionnelle populaire, Médecine traditionnelle spécialisée, Bantous, Pygmées, Bikoro.

Abstract

In the Democratic republic of Congo, the national economic crisis, the devaluation of the Congolese franc and the wars of the last decades involved an increasing dependence of the populations of the cities and rural areas with respect to traditional medicine. Two types of traditional medicines are practiced by the bantus (Oto) and the pygmies (Twa) of Bikoro. Popular traditional medicine, that is to say the one known to the majority of the village population, and specialized traditional medicine, which is only practiced by specialists (Healers).

An ethnobotanic investigation on plant use in traditional medicine by the Bantus and the pygmies was carried out in 10 villages of the territory of Bikoro, during 11 months. In each village, the investigation proceeded in two stages: the first concerning the treated diseases, as well as the plants and the recipes used in popular traditional medicine and the second concerning the treated on the looked after diseases, as well as the plants and the recipes used in specialized traditional medicine. The information relative to popular traditional medicine were collected during collective meetings with the help of a semi-structured questionnaire, while those relating to specialized traditional medicine were collected during direct interviews with the same type of questionnaire.

On the whole, 133 affections are treated in traditional medicine by the pygmies and the Bantu of Bikoro. They make use of 205 botanical species and 976 recipes. In popular traditional medicine, the pygmies Twa address 42 affections, use 73 botanical species and employ 150 recipes. The Bantu (Oto) address 41 affections use 62 botanical species and 128 recipes. In specialized traditional medicine, the pygmies address 54 affections, use 74 botanical species and 151 recipes. The specialists Bantu address 119 affections use 185 botanical species and 704 recipes.

In the Bikoro region, both Bantus (Oto) and pygmies (Twa) do use the same plant parts, the same modes of preparing drogues and the same processes of administering drogues in their respective popular traditional medicine. There are differences in plant species used and drogue types prepared by each community. If the Twa pygmies and their neighbors Oto use the plant parts and the same processes in administering drogues in their specialized medical practices, there is, nevertheless, a significant difference between types of treated diseases, utilized plant species and prepared drogues between the two communities.

This study made possible the characterization of the territory of Bikoro concerning its recourse to traditional medicine and highlighted the existence of flows of plant uses between popular traditional medicine (bantu and pygmy) and specialized traditional medicine (bantu and pygmy).

Key words: Plants, popular traditional Medicine, specialized traditional Medicine, Bantus, Pygmies, Bikoro.