Résumé : Cette thèse, déposée en juin et défendue en octobre 2011, vise à redéfinir une branche de l’analyse juridique d’une actualité brûlante par les mouvements longs de son histoire. Le droit public économique est majoritairement défini comme étant celui qui résulte de l’"interventionnisme" économique public. Il convient plutôt de le considérer comme étant celui qui résulte de la politique économique et qui encadre celle-ci. Déjà le Gouvernement provisoire de 1830 ne partit pas de rien pour instaurer un droit assorti au marché d’alors, s’inscrivant pour partie dans la continuité des fondamentaux importés lors de l’annexion française et préservant ce qui l’arrangeait dans le droit économique hollandais. Bien vite, après avoir installé le droit requis et, notamment en donnant son ossature au marché belge par l’initiative publique ferroviaire, le législateur dut sauvegarder le système financier lors de la crise de 1838-1839. Le droit public économique proprement belge entamait ainsi une expansion qualitative et quantitative ininterrompue, pour connaître des mutations perpétuelles, au gré de crises économiques nombreuses, de guerres mondiales, de la colonisation du Congo, de l’entrée dans la régionalisation économique puis le fédéralisme, de l’approfondissement de la construction européenne… A y regarder de plus près, du marché communal médiéval au marché unique en voie d’intégration, les questions de la taille de l’espace géographique dans lequel s’inscrit le marché belge ont une influence déterminante sur le droit public économique applicable à une époque donnée.

Malgré ces mutations, le droit public économique n’en présente pas moins une structure permanente qui s’articule autour de cinq grandes relations existant entre les institutions juridiques de l’État et de la propriété : 1/ l’État dessine les régimes de propriété ; 2/ l’État est lui-même propriétaire ; 3/ l’État police et régule les usages de le propriété ; 4/ l’État soutient selon les circonstances certaines catégories de propriétaires ; 5/ l’État redistribue certains fruits et influences tirés de la propriété.

Si la thèse porte essentiellement sur la période qui court de l’Indépendance à la veille de la sixième réforme de l’État, d’une part, et alors que la Belgique connaît une crise des finances privées et publiques enclenchée en 2008, d’autre part, elle offre à la fois une histoire inédite de la législation économique et un examen minutieux des grandes questions contemporaines qui agitent le droit public économique. Elle aborde ces mouvements longs en trois grandes parties (de 1830 à 1919 aux temps du suffrage restreint ; de 1919 à 1980 de l’avènement du suffrage universel à la crise de la fin des Trente Glorieuses ; de 1980 à nos jours, soit depuis l’installation concomitante du fédéralisme et du primat de la concurrence).

S’intéressant au mouvement communal comme au droit colonial, au sauvetage des secteurs jugés systémiques comme à la fondation de grands organismes d’intérêt public, à la régulation comme à la soi-disant subsidiarité fonctionnelle de l’État, la dissertation vérifie l’hypothèse selon laquelle un droit qui a pour objet la politique économique repose sur l’ensemble des cinq grands rapports identifiés que nouent l’État et la propriété. Elle permet ainsi de mieux appréhender ce qu’est la vraie "Constitution économique" de la Belgique, laquelle est loin d’être portée par sa seule Constitution écrite.