Thèse de doctorat
Résumé : La thèse s’intéresse au sens et à l’usage du langage chez Hegel à travers une reconstruction de la dialectique et de ses dialectes.

Dans la première partie, nous avons reconstruit la théorie implicite du langage à partir des occurrences du thème et de la structure de la philosophie hégélienne. Après une étude génétique et systématique du langage chez le philosophe, nous avons abordé le rapport du langage à la logique. Nous avons alors montré que Hegel essaye moins de construire un langage pour la pensée comme c’est souvent le cas dans les formalismes logiques que de montrer comment la pensée se fait discours dans le langage. A l’issue de cette première partie, il est donc apparu que le langage était moins étudié comme un objet à décrire analytiquement que comme l’élément dans lequel la pensée devenait le discours de l’auto-constitution du sens.

Une fois ce sens du langage dégagé, nous avons analysé dans la seconde partie, la façon dont Hegel usait du langage pour faire ressortir son discours visant à articuler le sens en son absoluité. Notre démarche essentiellement propédeutique a alors pris un tour problématique, puisque nous avons fait ressortir qu’il y avait une tension entre les textes de philosophie et les textes sur la philosophie. En effet, si le discours philosophique exprime le sens tel qu’il se forme dans le langage, il semble inopportun de faire précéder ce discours de textes tels que des préfaces où des introductions qui ne donnent qu’un point de vue indirect sur la chose. Plus précisément, la dialectique du savoir se formant dans le langage semble perdre dans les textes en marge du système l’intimité requise d’un sens se faisant expérience. Hegel en formulant la philosophie première comme une dialectique autoréférentielle du concept serait pris dans le dilemme suivant : le système interdirait tout texte référentiel (préface, introduction) tout en les nécessitant pour se laisser communiquer. En bref, l’autoréférence au fondement de l’horizon du sens chez Hegel se contredirait dans la communication que vise à établir l’aspect dialogique des préfaces et des introductions. La question que nous avons alors essayé de résoudre est celle de savoir si dialectique et dialogique étaient vraiment à opposer. Après avoir montré que des penseurs comme Schlegel ou Schleiermacher pensaient ces deux concepts ensemble, nous avons fait apparaître que le concept de dialogique pensé dans son historicité s’était vu délimiter concurremment à la grammaire et à la rhétorique des bornes variables. Nous avons alors soutenu la thèse selon laquelle cette plasticité pouvait également s’attacher à la notion de dialogique. Plus précisément, l’opposition apparente de ces deux termes chez Hegel a été mitigée à l’aune d’un concept de dialogique basé sur une relation « Je-Nous ». En montrant que chez Hegel le dialogique des préfaces référait à un « Nous » englobant, le problème de la communication de sa philosophie à travers des textes exotériques n’est plus apparue comme contredisant la structure autoréférentielle du système. Nous avons, par là, fait apparaître que la dialectique de l’élaboration dans le langage pouvait se décliner en des dialectes dialogiques qui, prenant place dans l’espace autoréférentiel de la relation « Je-Nous », n’infirmaient pas le concept d’expérience du sens.

En guise de conclusion, nous avons esquissé de façon prospective le potentiel d’une telle théorie dans un contexte plus contemporain. Nous avons à cet égard voulu répondre aux critiques de Habermas ou de Gadamer taxant le système hégélien de monologue de l’absolu oublieux du caractère dialogique de la parole et de la communication en montrant l’intérêt qu’une vue plus nuancée sur la pensée dialectique hégélienne pouvait avoir pour la pensée contemporaine.