Résumé : L’Astrée d’Honoré d’Urfé marqua à divers titres le roman de la première moitié du XVIIe siècle. Non seulement cette œuvre ouvrait la voie aux vastes fictions héroïques de Gomberville ou de Scudéry, mais elle apparaissait également comme un modèle de composition parvenant à unir, au sein d’un unique roman, une matière hétéroclite. La complexité de L’Astrée est donc tout autant thématique que structurelle : les traditions pastorale et chevaleresque s’entremêlent et le récit principal est sans cesse interrompu par des narrations secondes prises en charge par les personnages mêmes de la diégèse. Cependant, le récit n’en forme pas moins un ensemble unifié ; d’ailleurs, il fut d’emblée reçu comme un roman et non comme un recueil de nouvelles. C’est pourquoi, nous avons désiré étudier le « système » que l’auteur met en place afin d’unifier l’œuvre aussi bien au niveau de la forme qu’au niveau du contenu. Pour y parvenir, nous avons établi une description complète des structures narratives de L’Astrée via une observation narratologique qui s’attache tantôt à rechercher dans différentes traditions littéraires les éléments de structure faisant sens dans le roman d’Urfé, tantôt à cartographier la mécanique narrative qui régit la progression des nombreux fils du récit. Ensuite, d’un point de vue davantage thématique, nous avons souhaité mettre au jour divers mécanismes – dont les variations sur le thème de la perte et du regret – qui assurent au roman une unité quant à sa matière foisonnante. Par ces analyses, nous espérons éclairer le fonctionnement d’un roman-clé de l’histoire, qui posa les premiers jalons de la modernité romanesque.