Résumé : Depuis le milieu des années quatre-vingts-dix, Bruxelles comme enjeu d’actions collectives, apparaît sous des formes inédites. Ce sont des lieux dés-affectés, des friches ou des lieux discontinus qui font, avant la constitution d’un quelconque programme politique, l’objet de mises en scène artistiques ou culturelles. Depuis celles-ci se nouent des alliances plutôt que des fédérations représentatives, se produisent des groupes et émergent des énoncés, bref se tisse un milieu culturel d’intervention urbaine au contact des hésitations d’autres milieux urbains plus institutionnalisés. Une Bruxelles rugueuse et fissurée tant d’un point de vue physique, social qu’institutionnel et politique y devient ressource de sens et d’action contre une ville dès lors qualifiée de lisse. Ces constructions de possibles s’appuient sur des figures d’Usager, de Créativité voire de Métropole, et se distancie ainsi d’une ville héritée des premières luttes urbaines, que des urbanistes-artisans auraient à rapiécer autour des Quartiers et des Besoins d’Habitants.

Cette thèse propose une description de l’émergence, de la constitution, des modes de stabilisation, de rigidification, de fermeture et de solidification de ce milieu à partir des situations hétérocilites qui le font autant diverger que tenir. Ces situations sont autant des actions culturelles, des actions de dénonciation, des plate-formes émergentes visant à peser sur le développement urbain, que des projets urbanistiques et architecturaux. Elle décrit les capacités dont se dotent des collectifs – parfois qualifiés d'alternatifs – à mettre la ville en problèmes ainsi que les effets de la capture de ces expériences sur la production de nouveaux dispositifs publics d'action urbaine.

C’est alors qu’est interrogée la constitution, à partir de nouvelles zones d’interventions publiques à Bruxelles, d’un nouveau pli institutionnel au sein de couches préexistantes héritières des premières luttes urbaines. Ce pli s’appuie sur une requalification des rapports entre créativité, attractivité urbaine, participation et action politique. Architectes et urbanistes jouent alors un rôle central dans la constitution d’un urbanisme par projet qui suppose à la fois une planification plus procédurale sensible à la spécificité des nouveaux pôles de développement et une nouvelle échelle de référence visant à situer Bruxelles comme métropole internationale.

Le milieu décrit oscille – et parfois se fragmente – entre des expérimentations de villes des possibles et constitution d’une ville par projet. Entre les deux, ce sont les effets de ce milieu qui font enjeu. Les frictions urbaines, les formes de créativité, les usagers, les interstices que ces deux acceptions partagent peuvent constituer de nouveaux mots d’ordre, des présupposés destinés à être digérés dans de nouvelles généralisations utopiques – une ville créative à appliquer sur des espaces pour des publics cibles à éduquer – ou alors devenir l’occasion de cultures interstitielles favorisant des reprises usagères de co-constructions de localités. L’engagement propositionnel de cette thèse consiste, à partir des réussites et des échecs partiels du terrain, à rechercher certaines des conditions de possibilité de cette dernière acception.