Résumé : L’origine des suites de mégacristaux des kimberlites est sujette à d’intenses débats depuis de nombreuses années. La suite complexe de mégacristaux (grenat, clinopyroxène, zircon, baddeleyite, ilménite, rutile et nodules d’intercroissances rutile-silicates) des kimberlites diamantifères de Mbuji-Mayi (Kasaï Oriental), mises en place au Crétacé dans le craton archéen du Congo-Kasaï, a été étudiée en détails dans le but d’établir les relations entre les différents minéraux de la suite, leur relation au magma kimberlitique-hôte et au manteau lithosphérique cratonique archéen. L’étude des mégacristaux de grenat des kimberlites pauvres en diamants du Kundelungu (Katanga) a permis en outre d’établir la comparaison entre les mégacristaux de deux provinces kimberlitiques en République Démocratique du Congo, qui diffèrent notamment par leur âge de mise en place et par la composition et l’âge du socle traversé.

L’ensemble des données minéralogiques et géochimiques acquises (éléments majeurs et en traces, géochimie isotopique de l’oxygène, du Nd et de l’Hf) est intégré dans le but de déterminer la nature du (ou des) processus qui a (ont) donné naissance à ces suites de mégacristaux.

En parallèle, l’origine d’un xénolite rare de clinopyroxénite à kyanite exceptionnellement riche en Cr des kimberlites de Mbuji-Mayi a été explorée.

Bien qu’ils partagent de nombreuses caractéristiques avec d’autres suites de mégacristaux kimberlitiques, les mégacristaux de RDC sont généralement enrichis en Cr et appauvris en Fe et Ti, et ne présentent pas de preuve d’une origine par cristallisation fractionnée à partir d’un magma, ce qui permet de suggérer une origine différente, en l’occurrence une liaison plus directe avec le manteau lithosphérique réfractaire local lors de leur formation. Une origine métasomatique par interaction entre un liquide/fluide précurseur de la kimberlite et les péridotites du manteau lithosphérique est donc favorisée. L’ensemble des espèces minérales qui forme la suite de mégacristaux peut en effet trouver un équivalent compositionnel dans les lithologies métasomatisées de la lithosphère mantélique.

Les mégacristaux de grenat des deux provinces partagent des similarités frappantes qui sont interprétées en termes de processus de formation similaires. En revanche, ils ont systématiquement montré un comportement géochimique singulier, suggérant un processus de formation différent des autres mégacristaux. Ils semblent en effet avoir retenu l’héritage des compositions variables d’anciens protolites de grenat affectés récemment par un métasomatisme de type kimberlitique. Ces grenats résultent de la recristallisation de grenats initialement présents dans les péridotites cratoniques de la lithosphère archéenne. Par contre, les mégacristaux de clinopyroxène, zircon, baddeleyite, ilménite, rutile et les nodules d’intercroissances rutile-silicates se sont effectivement formés récemment par l’interaction métasomatique entre le liquide/fluide proto-kimberlitique et les péridotites cratoniques. Des variations locales du rapport (fluide et/ou liquide)/roche et de l’activité en SiO2 lors de la percolation du magma proto-kimberlitique asthénosphérique dans le manteau lithosphérique cratonique, couplées à la nature propre à la kimberlite de la région, permettent d’intégrer l’ensemble des mégacristaux dans un modèle pétrogénétique commun, avec des processus de formation parfois contrastés.