Résumé : Nous partons d’un constat : plusieurs Etats d’Afrique, en général, et d’Afrique centrale, en particulier, connaissent un déficit très aigu de justice et de démocratie dans la répartition de biens sociaux premiers. En outre, ces Etats ne sont pas bien organisés politiquement, économiquement et socialement. Par conséquent, ils ne respectent pas les principes de justice politique à l’échelle domestique, ni les principes du droit des peuples au niveau international ou supranational.

Devant ce constat amer, nous nous sommes proposé de réfléchir en profondeur sur la théorie de la justice politique de Rawls en vue de nous imprégner de principes susceptibles de garantir les droits et devoirs fondamentaux des citoyens et des peuples bien ordonnés.

Nous avons ainsi examiné les conditions de possibilité de l’application de la théorie de la justice politique de Rawls pour une intégration politique réussie à l’échelle interne, en République Démocratique du Congo, et au niveau international ou supranational des Etats de l’Afrique centrale. Il ressort que la mise en place des institutions politiques, économiques, socioculturelles viables, de l’Etat de droit et du modèle de la démocratie représentativo-délibérative constituent, à notre sens, des préalables indispensables en vue de postuler, à un second niveau, une intégration politique supranationale dans la sous-région de l’Afrique des Grands Lacs caractérisée par des guerres récurrentes interétatiques. Les principes rawlsiens du droit des peuples peuvent aider à repenser la politique étrangère des pays de la sous-région de l’Afrique centrale et celle des organisations supranationales existantes.

Néanmoins, nous avons soutenu que l’application de certains principes rawlsiens du droit des peuples, comme celui du respect des traités et des engagements, nécessite que ceux-ci soient signés au sein d’une « fédération pacifique » des Etats. En effet, dans l’entendement d’Emmanuel Kant, des traités signés dans une « fédération pacifique » mettent fin à la fois aux guerres présentes et futures.

Dans cet ordre d’idées, nous avons souligné qu’une « fédération pacifique » des Etats pourra créer un cadre important pour l’émergence d’une « communauté de sécurité » au sens deutschien du terme, nécessaire pour la paix durable dans la sous-région de l’Afrique des Grands Lacs. La « communauté de sécurité » préconise que les Etats entretenant des relations réciproques ne recourent pas à la violence physique et règlent leurs problèmes par des « mécanismes de changement pacifique ». Dans cette logique, la guerre n’est plus facilement envisageable. De plus, nous avons estimé, en nous inspirant d’Habermas, qu’il est pertinent que les pays de l’Afrique centrale s’engagent sur la voie de l’« afrofédération », assurant la transformation des traités interétatiques conclus en une Constitution politique que chaque Etat de la fédération devra respecter.