Résumé : On tend souvent à envisager la communication comme intervenant au-delà de la cognition. Par exemple, lorsque nous évoquons la personnalité d’un ami, nous nous contenterions d’exprimer des représentations déjà stockées en mémoire. Contrairement à cette idée reçue, ma thèse part du postulat que la communication à propos d’objets sociaux, loin de simplement exprimer des croyances déjà formées a priori, participe à la construction de ces représentations mentales. Pour soutenir cela, nous avons d’abord tracé l’histoire de l’évolution dans la façon de concevoir le rapport entre le langage et la pensée (voir Klein, Marchal, Van der Linden, Pierucci & Waroquier, 2011). Nous sommes partis du modèle du code (Shannon & Weaver, 1949) pour ensuite considérer des approches théoriques alternatives mettant l’accent sur comment les facteurs contextuels (par ex., la présence d’une audience donnée) influencent le processus de communication. Nous avons ainsi considéré comment le fait même de communiquer à propos d’un individu influence notre perception de cet individu. En cela, mon travail est largement influencé par le concept d’Audience tuning (Higgins 1992, 1999). Plus précisément, l’effet du « dire c’est croire » (Saying-is-Believing: Higgins & Rholes, 1978) se réfère à l’influence de l’audience sur la mémoire du locuteur même : les locuteurs, lorsqu’ils communiquent à une audience possédant une attitude connue vis-à-vis d’un certain sujet, adaptent leur messages en le rendant plus conforme à l’attitude de l’audience mais surtout, leur mémoire et leur impression tendent à s’accorder à la teneur du message transmis à l’audience. Cette influence de l’énonciation sur la cognition ayant déjà été mise en évidence à travers des nombreuses recherches (pour une revue, voir Echterhoff, Higgins, Kopietz & Groll, 2008), les processus responsables de cet effet restent incertains. L’explication la plus exhaustive de l’effet du « dire c’est croire » fait appel au besoin du locuteur de partager une réalité avec l’interlocuteur. C’est uniquement dans le cas où la communication serait motivée par des buts de « réalité partagée » qu’elle aurait un impact sur la mémoire du locuteur même (Echterhoff, Higgins & Levine, 2009). Le besoin de créer une réalité partagée avec l’audience remplirait des fonctions épistémiques (i.e., en communiquant à propos d’autrui, je parviens à mieux cerner sa personnalité que je ne le ferais si je me contentais d’une activité mentale « privée ») et relationnelles (i.e., en communiquant à propos d’autrui, je crée et développe une relation avec mon interlocuteur). Dans mon travail, j’explore les rôles respectifs de ces deux types de motivations sur l’effet du « dire c’est croire » et, de façon plus générale, dans le processus de construction d’une réalité partagée.

Dans ma démarche expérimentale, j’ai privilégié des études permettant d’explorer des situations concrètes dans lesquelles l’effet du « dire c’est croire » était susceptible d’apparaître.

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