Résumé : L’objectif général de cette thèse était de déterminer dans quelle mesure les entraînements auditifs pouvaient conduire à une modification de la perception du voisement en français en termes d’identification, de discrimination et de perception catégorielle (PC). L’originalité de notre méthodologie reposait sur l’étude à la fois des effets entraînements sur la perception d’un contraste particulier (e.g., +15/+45 ms DEV) mais également sur la perception catégorielle de stimuli variant le long d’un continuum (e.g. +75, +45, +15, -15, -45 et -75 ms DEV). En effet, la majorité des études de la littérature se limitent à étudier les effets des entraînements sur un contraste bien particulier (e.g., Golestani & Zatorre, 2004 ; Tremblay et al., 1998 ; Tremblay et al., 2001). Grâce à notre paradigme, il nous était possible de quantifier l’apprentissage sur un contraste spécifique mais aussi d’en étudier les éventuels effets de généralisation sur l’ensemble du continuum.

Dans une première étude, nous avons tenté d’évaluer les limites du système perceptif en matière d’extraction de l’information statistique en travaillant sur de fines différences acoustiques (Etude #1). Au fil des années, une partie de plus en plus importante de la littérature s’est développée, soutenant que la formation des catégories phonologiques reposait sur l’extraction des régularités statistiques existant dans la production des phonèmes. Cependant, en aucun cas la question des limites que pouvait imposer le système perceptif n’a été posée. Pour ce faire, nous avons décidé de déterminer dans quelle mesure l’exposition à une grande variabilité de stimuli séparés par de fines différences acoustiques pouvait conduire à l’amélioration des capacités de discrimination d’un contraste spécifique.

Par la suite, nous avons sommes concentrés sur la question des modifications de la PC suite à un entraînement. L’idée principale était de déterminer dans quelle mesure un entraînement centré sur une valeur particulière du continuum et mettant en jeu un contraste (i.e., opposition entre deux stimuli) pouvait avoir un impact sur la PC. Pour ce faire, nous avons commencé par entraîner des participants à identifier (Etude #2) des stimuli autour de trois frontières non-phonologiques (-30, -45 et -60 ms DEV).

Ensuite, nous avons entraîné d’autres participants à discriminer (Etude #3) des stimuli autour de deux frontières non-phonologiques (-30 et -45 ms DEV). Les modifications perceptives étaient évaluées sur différents paramètres qui caractérisent la PC (voir Introduction – La Perception Catégorielle) chez des adultes normo-entendant. Nos hypothèses reposaient sur l’idée selon laquelle, plus on s’éloigne de la frontière phonologique, plus les modifications perceptives seraient difficiles. Toutefois, les discontinuités perceptives pourraient interagir, facilitant ainsi les changements.

Sur base des résultats de ces études, nous nous sommes intéressés à la malléabilité de la perception catégorielle chez des enfants de troisième maternelle et de deuxième primaire (Etude #4). Dans ce cas, nous avons décidé d’entraîner les enfants à identifier des stimuli autour de la frontière phonologique du français (0 ms DEV) et autour d’une frontière non-phonologique (-30 ms DEV). L’idée sous-jacente était que les enfants, et plus particulièrement ceux qui n’avaient pas encore appris à lire, puissent être plus sensibles aux modifications perceptives imposées par leur environnement.

Par la suite, la question des entraînements auditifs comme source de changements chez les enfants et adultes normo-entendant s’est élargie aux pathologies et notamment dans les troubles spécifiques du langage (Etude #5). En effet, il est reconnu que ces enfants présentent des difficultés dans la perception des sons de parole et notamment du voisement. Dans cette étude, nous avons donc tenté de restructurer la PC au moyen d’un entraînement basé sur une tâche de discrimination. Malgré leur difficulté sévère à traiter le matériel auditif, ces enfants ne présentent pas des troubles de l’audition. Nous nous attendions donc à une amélioration de leurs habilités à percevoir le voisement.

Enfin, nous nous sommes interrogés sur les facteurs qui pouvaient contribuer, en plus des séances d’entraînement, à la consolidation des représentations phonologiques en mémoire. Parmi ceux-ci, la littérature dans le domaine visuel et moteur indique que le sommeil contribue à consolider ce qui a été appris. Nous avons donc décidé de nous intéresser aux rôles et aux bénéfices du sommeil dans la consolidation des apprentissages auditif chez des adultes normo-entendant (Etude #6).