Résumé : Dans sa période particulièrement dense de production au cours des années 1980 et 1990, le spectacle dit « postdramatique » affirme régulièrement sa volonté de rompre avec toute forme de narration qu’illustrent des formes dramatiques plus conventionnelles. C’est même devenu un topos critique de dire que le théâtre postdramatique échappe à la narration ou la rend problématique, tant pour qualifier sa production (en termes de projet dramaturgique) que sa réception par le public.

Cependant, la force du déni installe le doute. Je me suis inquiété de l’insistance avec laquelle une certaine manière de concevoir le théâtre écartait ou s’opposait à un élément aussi structurant et persistant que le récit (en termes culturels, littéraires, dramatiques, …). Après avoir posé les termes de sa définition, j’ai voulu vérifier si le spectacle postdramatique ne contenait vraiment plus aucune forme de récit, quand bien même cette fonction lui serait implicitement ou explicitement contestée. Ma décision de mener l’enquête a été essentiellement provoquée par deux phénomènes : une intuition narrative qui se manifeste quand même vis-à-vis de ces spectacles (sur quoi est-elle fondée ?), et l’existence de textes qui en font le compte-rendu sur un mode narratif à la réception. Par ailleurs, j’ai senti le besoin d’analyser de manière un peu plus fine cette poétique non-narrative déclarée par les auteurs.

* * *

During a particularly dense production period running in the 1980s and 1990s, the so-called “postdramatic” theatre regularly attempted to break from all forms of narration utilized in more conventional dramatic forms. It became a recurring critical leitmotif to say that postdramatic theatre either eschewed narration entirely or rendered it problematic, whether as a qualifier to its production (in dramaturgical terms) or to explain audience reaction.

However, repeated denial definitely inspires doubt. I was concerned that one particular way of thinking about theatre seemed to refuse or rule out such a consistent and structural element as the narrative (culturally, dramatically, as well as in literary terms). I therefore wished to be sure that certain postdramatic pieces really had not retained any form of storytelling, had the choice been made implicitly or explicitly to exclude it. My decision to begin this investigation was triggered by two specific phenomena: a narrative intuition which manifests itself whether one wants it or not when one sees one of these pieces (what is its foundation?), and the existence of texts produced at the reception level which still seem to form a narrative stream when examined. I also felt the need to undertake a more detailed analysis of this non-narrative poetics as laid out by its creators.