Résumé : The Quaternary climate has known dramatic global variations oscillating between long glacial and shorter interglacial periods of approximately 100 000 and 20 000 years, respectively with the last succession as an example. During the glacial episodes the continental ice sheet expansion and sea level drop, in turn, have locally disturbed the environment (at least in the northern hemisphere). These climatic and environmental disturbances caused changes in the geographic distributions of animal and plant species. For each species, the changes possibly took the form of demographic events like population extinction or fragmentation associated with genetic bottlenecks (loss in genetic diversity) and, inversely, population expansions sometimes with inherent founder effects (stochastic sampling of the source genetic diversity) and/or contact between diverged groups (secondary contact zone) resulting in genetic diversity gradients through the geographic range of the species. We therefore understand that the demographic history of a species can be reconstruct through the investigation of genetic signature(s) it possibly left and that are still observed in the genome of that species. For European taxa, phylogeographic studies taking advantage of these signatures have mainly focused their attention on temperate species; pieces of knowledge for species adapted to cold environments are too scarce although their response to climate change could not only simply follow an inverse tendency compare to temperate climate species.

As a whole, this thesis project intended to study the evolutionary history of four sister species of cold-adapted leaf beetles investigating their response to past global climatic changes. The four species share many traits (life cycle, dispersal capacity, morphology, feeding behavior...) but their geographic distributions differ, further calling for interest in the factors that shaped them. Furthermore, leaf beetles are specialist insect herbivores each feeding only on one or a few different plant species. This host plant specialization offers an additional dimension to the study of climatic change impacts to understand the evolution of the insect-host relationship. The study of this species complex thus also aimed at understanding processes like speciation possibly driven through diet specialization. The project connects three main axes briefly described here after.

The first axe of the project allowed us to gain sufficient knowledge of the four species sub-genus Goniomena (Chrysomelidae, Gonioctena). We have defined some important barriers separating each four species among them. The analysis of five independent molecular markers sequences obtained for many individuals sampled through the entire species ranges allowed us to characterize four genetically distinct groups corresponding to the four species, to precisely identify their host plant(s) and their geographic distribution. The second axe was realized on the same multi-locus dataset and aimed at exploiting an array of methods to reconstruct the demographic history of the four species; the methods consist of some commonly used and some promising ones used in synergy hoping to strengthen our interpretations on the species history. For this purpose, we combined the species distribution modeling (SDM) techniques to infer current and past geographic range for the leaf beetles and for their host(s) in order to generate the most realistic historical hypotheses. Subsequently, the different hypotheses were evaluated with two different complementary approaches, Approximate Bayesian Computation (ABC) and a spatial coalescence simulation-based method, allowing for outputs comparison. Finally, the third axe focus on the study of a commonly used program designed for demographic parameters inference (including divergence times, effective populations sizes, migration rates). We created non-empiric datasets obtained with three largely used simulation programs to investigate the inference performances of the program.

We hope this project will help to better understand the way species currently present in cold environments in Europe responded to climatic changes. It certainly demonstrated and allowed to isolate some specific character of such respons while suggesting certain common patterns. Our findings are rich and varied; the current distribution of genetic diversity in the four sister species of leaf beetles involves processes like introgression and hybridization, competition and invasion, allopatric and possibly sympatric speciation, dispersal limitation and response differentiation against climatic changes. In the light of our results, further investigations are encouraged; the mechanisms driving or underlying the different speciation settings, the host plant specialization, the niche differentiation and the hybridization in secondary contact zones are planned to be investigated with biological material and analytic resources we already own. Practically, we explored promising analyses procedures using the resources of our multilocus multispecies dataset. All along, we emphasize on the need to work with multispecies empiric datasets at least equivalent to the one in this project (number of molecular markers investigated and sample sizes) if the aim is to study the evolutionary history of a species. We also caution on certain methodological limitations that need to be considered to enlighten a study project from experimental design to result interpretation.

/Durant le Quaternaire, le climat de la Terre entière a été marqué par des oscillations importantes entre périodes glaciaires relativement longues et interglaciaires plus courtes d’environ 100 000 et 20 000 ans, respectivement, si l’on prend l’exemple de la dernière succession. Pendant les épisodes glaciaires, la calotte glaciaire continentale et la baisse du niveau des mers et des océans ont, à leur tour, affecté localement les conditions environnementales, au moins en ce qui concerne l’hémisphère nord. Ces perturbations climatiques et environnementales ont provoqué des changements dans la distribution géographique des espèces animales et végétales. Spécifiquement, ces changements ont pris la forme d’événements démographiques tels que l’extinction ou la fragmentation des populations associées à des goulots d’étranglements (réduction de la diversité génétique) ou, à l’inverse, des expansions de populations parfois accompagnées d’un effet fondateur (échantillonnage aléatoire à partir de la diversité génétique source) et/ou de la rencontre subséquente entre des groupes génétiquement différenciés (zone de contact secondaire) résultant en des gradients de diversité génétique à travers toute la distribution actuelle de l’espèce. On comprend dès lors que l’histoire démographique d’une espèce peut être reconstruite en étudiant les signatures qu’une telle histoire a pu laisser dans son génome. En ce qui concerne les taxa européens, les études phylogéographiques, qui utilisent ces signatures, se sont principalement intéressées aux espèces des régions tempérées; les connaissances acquises dans le domaine pour les espèces adaptées aux environnements plus froids sont plus rares bien que leur réponse envers les changements climatiques pourrait ne pas simplement avoir une tendance inverse par rapport à celle des espèces tempérées.

Dans son ensemble, l’objectif du présent projet de thèse est d’étudier l’histoire évolutive d’un groupe de quatre espèces sœurs de chrysomèles adaptées à un environnement froid dans le but de comprendre leur réponse face aux changements climatiques passés. Les quatre espèces partagent de nombreux traits en commun (cycle de vie, capacité de dispersion, morphologie générale) mais présentent des distributions géographiques qui se différencient incitant encore plus à s’intéresser aux facteurs qui ont pu les structurer. De plus, les chrysomèles sont des insectes herbivores très spécialisés, chaque espèce d’insecte ne se nourrissant que d’une ou quelques espèces de plantes bien précises. Cette spécialisation ajoute une dimension supplémentaire à l’étude de l’impact des changements climatiques pour comprendre l’évolution de la relation insecte-plante hôte. L’étude de ce complexe d’espèces avait donc également pour but de comprendre des processus tels que ceux de spéciation qui a pu être induite via une spécialisation alimentaire ou de séparation géographique suite à un changement des distributions. Le projet s’articule autour de trois axes décrits ci-dessous.

Le premier axe du projet a permis d’acquérir une connaissance plus fine des quatre espèces de chrysomèle appartenant au sous-genre Goniomena (Chrysomelidae, Gonioctena). Nous avons défini les barrières importantes séparant les quatre espèces. L’analyse des séquences d’ADN de cinq marqueurs moléculaires indépendants obtenues pour un grand nombre d’individus échantillonnés sur toute l’aire de répartition de chacune des quatre espèces nous a permis de définir quatre groupes génétiquement distincts, d’identifier précisément leur(s) espèce(s) de plante(s) hôte(s) ainsi que leur distribution géographique. Le second axe a été réalisé sur le même jeu de données multilocus et avait pour but d’exploiter un éventail de méthodes communément utilisées ainsi que d’autres prometteuses en étude phylogéographique dont on exploite la synergie afin de renforcer les interprétations concernant l’histoire de chaque espèce. Pour cela, nous avons combiné la modélisation des distributions passées et présentes des quatre espèces et de leur(s) plante(s) hôte(s) pour générer des hypothèses les plus réalistes possibles. Ensuite, les différentes hypothèses historiques ont été évaluées via deux approches différentes, une méthode d’approximation de calcul bayésien approché (Approximate Bayesian Computation, ABC) et une autre basée sur des simulations spatiales de coalescence, permettant d’ensuite comparer les résultats. Enfin, avec le troisième axe, nous nous sommes intéressés à un programme d’inférence de paramètres démographiques (temps de divergence, taille effective des populations, taux de migration) communément utilisé. Nous avons créés des jeux de données non empiriques, construits avec trois simulateurs également très répandus dans les analyses de génétique des populations, pour explorer les performances d’inférence du programme.

Nous espérons que ce projet va aider à mieux comprendre la façon dont les espèces adaptées à un climat froid en Europe répondent aux changements climatiques. Il a démontré et permis d’isoler des traits spécifiques dans ces réponses tout en suggérant néanmoins certains schémas communs.! Nos résultats sont riches et variés; la distribution contemporaine de la diversité génétique chez les quatre espèces soeurs de chrysomèle implique des processus tels que l’introgression et l’hybridation, la compétition et l’invasion, la spéciation allopatrique et sympatrique, le potentiel de dispersion et la différentiation des réponses aux changements climatiques. Au vu de ces résultats, d’autres recherches sont envisagées; les mécanismes donnant lieu ou sous-jacents aux différents types de spéciation, à la spécialisation alimentaire, à la différentiation de niche et à l’hybridation dans les zones de contact secondaire seront explorés à l’aide de matériel biologique et de ressources analytiques déjà acquises. En pratique, nous avons réalisé notre étude en explorant des procédures d’analyses prometteuses tout en exploitant les ressources d’un jeu de données multi-locus et multi-espèces. Tout au long du projet, nous mettons l’accent sur la nécessité de travailler avec des jeux de données empiriques multi-espèces au moins équivalents à celui de ce projet (en termes de nombre de marqueurs, de taille d’échantillons) si on vise à réaliser une telle étude sur l’histoire évolutive d’une espèce. Nous mettons également en garde sur certaines limites méthodologiques qui doivent être considérées pour la conception d’un projet d’étude allant de la mise en œuvre expérimentale jusqu’à l’interprétation des résultats.