Résumé : L’expression des gènes chez les organismes eucaryotes est un processus hautement régulé dans l’espace et dans le temps. Les ARN messagers, premièrement décrits comme simples intermédiaires entre l’ADN et les protéines, s’avèrent être des éléments centraux de la régulation de l’expression génique : les régulations post-transcriptionnelles vont influencer la stabilité, la traductibilité et la localisation des ARN messagers (ARNm). Le contrôle de la dégradation des ARNm est un moyen efficace d’adapter rapidement la production des protéines en fonction des besoins de la cellule. La dégradation des ARNm est un processus actif qui nécessite soit l’élimination de la coiffe en 5’ ou de la queue polyA en 3’, soit un clivage endonucléolytique. Dans la plupart des cas, le messager est premièrement déadénylé, puis décoiffé avant d’être dégradé dans le sens 5’-3’ ou dans le sens 3’-5’. De plus, les ARNm en cours de dégradation sont relocalisés dans des granules cytoplasmiques appelés Processing Bodies où les facteurs de la dégradation sont concentrés. On trouve dans les messagers codant pour des protéines dont la production doit être finement régulée, une variété importante d’éléments régulateurs (éléments cis) le plus souvent au sein de leur région 3’ non traduite. La régulation de la stabilité d’ARNm porteurs d’éléments riches en adénine et uridine (ARE) dans leur région 3’ non traduite (3’UTR) par les protéines capables de reconnaitre et lier ces éléments (ARE-BP) constitue un des exemples les plus documentés de régulations post-transcriptionnelles de l’expression des gène, mais le mécanisme moléculaire de cette régulation est encore mal compris.

Nous avons utilisé le messager codant pour le peptide antimicrobien CécropineA1 lié par l’ARE-BP dTIS11 comme modèle pour étudier les régulations post-transcriptionnelles dépendantes des ARE chez la drosophile. Au cours de ce travail, nous avons démontré que le messager CecA1 subit une déadénylation biphasique. En effet, une déadénylation initiale racourcie la queue polyA sans diminuer la quantité de messager, puis une seconde déadénylation, prise en charge par le complexe de déadénylation CCR-NOT nécessite la présence de la protéine dTIS11 et conduit à la dégradation totale du transcrit. L’observation des intermédiaires de la dégradation nous montre que, après sa déadénylation totale, le messager est décoiffé, puis dégradé dans les deux directions: 3’-5’ et 5’-3’. Contrairement à ce qui a été montré pour ces homologues mammifères, la protéine dTIS11 n’induit pas l’accumulation du messager CecA1 dans les Processing Bodies mais favorise la deuxième phase de déadénylation alors que le messager CecA1 est associé à la machinerie de traduction afin d’induire une dégradation rapide et efficace du transcrit.