Résumé : Le virus de l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) de type H5N1 apparu en Chine en 1996 constitue une menace pour la santé humaine en raison de sa circulation endémique dans les volailles domestiques et de son potentiel zoonotique. La sévérité de l'infection liée à l'IAHP H5N1 est variable selon les espèces d'oiseaux: certains anatidés sont porteurs sains et asymptomatiques du virus tandis que dans les élevages de poulets, l'IAHP est fortement contagieux et caractérisé par des taux de mortalité supérieurs à 90%. Chez les humains, l'impact de l'IAHP H5N1 reste à ce jour modéré (630 cas humains dont 375 morts, World Health Organization Juin, 2013) en raison de la faible transmission du virus des volailles aux humains et d'humain à humain. Cependant, étant donné les taux de létalité élevés (>50%), un changement des modalités de transmission pourrait mener à un impact beaucoup plus élevé.

Depuis son émergence, l'IAHP H5N1 a eu un impact économique important dans de nombreux pays d’Asie du Sud-Est. La Thaïlande, pays qui fait partie des principaux exportateurs mondiaux de viande de volaille, a été sévèrement touchée par les multiples vagues épidémiques entre 2003 et 2005. Ces épisodes ont eu un impact sur les revenus des petits et moyens producteurs, mais également causé des pertes économiques importantes dans le secteur de la production intensive de volailles en raison de l'embargo imposé par les principaux marchés d'exportation.

L'objectif de ce travail est d’étudier quantitativement l'association entre la production intensive de la volaille et la distribution spatio-temporelle de l'IAHP H5N1 en Thaïlande. Deux approches ont été développées pour aborder cette étude: le développement d’une part de modèles statistiques visant à identifier les déterminants du risque d'IAHP H5N1, et d'autre part, de modèles mécanistiques visant à simuler des trajectoires épidémiques sur base de la connaissance des mécanismes de transmission de l'IAHP H5N1, de la structure du secteur de la production de volaille et des mesures d'intervention mises en place.

A l’aide de facteurs environnementaux et anthropogéniques, nous montrons que: (i) la distribution des canards domestiques en Asie peut être prédite en utilisant des modèles de régression non-linéaire, et (ii) la production de volailles peut être désagrégée entre production extensive et intensive sur base du nombre de volailles par éleveur. Enfin (iii), nous montrons en utilisant des arbres de régression boostés ("Boosted Regression Trees", BRT) que les principaux déterminants de la distribution du risque d'IAHP H5N1 sont les canards élevés en systèmes intensifs, le nombre de cycles de culture de riz et la proportion d'eau présente dans le paysage. Finalement, nous illustrons les potentialités des modèles mécanistiques pour évaluer l'efficacité des mesures d'intervention implémentées, tester des scénarios alternatifs d'intervention et identifier des stratégies optimales de prévention et d'intervention contre de futures épidémies