Résumé : Cette étude est une réflexion sur le phénomène de création en matière d’oralité. Elle vise non seulement à étudier la mise en spectacle du Nguon et du Ngondo mais aussi et surtout, à vérifier la pertinence des outils d’analyse sémiologique appliqués à ces deux pratiques rituelles. Dans cette perspective, la grille d’interprétation que propose Anne Ubersfeld , soutenue par André Helbo et Patrice Pavis , nous a été d’une importance heuristique considérable.

S’appuyant sur le fait que le corpus de ce travail est constitué de deux rites appartenant à deux régions diamétralement opposées du Cameroun et que chacun d’eux procède d’un style particulier, le besoin de recourir à l’approche comparatiste de temps à autre s’est fait sentir. Fort de ce constat, la sémiologie du spectacle vivant qui sert de support méthodologique et théorique est complétée par l’approche comparatiste. Approche qui ne vise pas à assimiler le Nguon et le Ngondo, mais à mettre en évidence les spécificités de chaque rite grâce à la mise en rapport de l’un avec l’autre.

Les résultats auxquels nous sommes parvenu montrent que ces deux pratiques rituelles sont des performances au sens Schechnerien du terme. Chacune d’elles ayant une certaine spécificité.

Le Nguon est à coup sûr une suite d’évènements représentés devant un public par des acteurs en un temps déterminé dont l’imitation et la dénégation en constituent l’essence. Dans cette perspective, il se rapprocherait plus d’une représentation théâtrale. Contrairement au Nguon, le Ngondo est une suite de performances où gestes (minutieusement orchestrés, chorégraphiés), objets et certaines activités ludiques constituent un vocabulaire dont la syntaxe déroule un sens. Dans cette perspective, chaque esprit forge ses propres refuges, ses stratégies, ses fétiches pour affronter cette pratique rituelle où certains référentiels du théâtre tels que la frontalité, la dénégation, etc. paraissent estompés ou abolis pour céder place aux terrains d’action, d’expérimentation et de transformation. Ainsi, chaque moment du Ngondo est une performance accomplie. Fort de ce constat, le Ngondo a le caractère d’un festival où performances, musiques et danses rivalisent d’adresse avec des réminiscences mythiques et mystiques.

Afin de les démocratiser davantage et assurer leur exploitation optimale, nous avons pensé à la création des espaces culturels dans ces régions du Cameroun à partir du modèle que nous proposons dans ce travail. La multiplicité de ces espaces dans toutes les régions de notre pays et sur le continent africain et pourquoi pas dans le monde entier faciliterait le travail d’un collectif de chercheurs venus des quatre coins de la planète pour se réunir autour du concept de la « Négroscénologie », que chaque membre doit entériner et de promouvoir où qu’il soit.