Thèse de doctorat
Résumé : Les perles, principalement celles en verre, figurent parmi les productions artisanales les plus emblématiques et originales de la période mérovingienne. Jamais auparavant elles n’avaient connu un tel succès. C’est par centaines ou milliers d’exemplaires qu’on les retrouve dans les nécropoles de l’ancienne Gaule. Ce matériel surprend et séduit par la grande diversité de ses formes, de ses couleurs et de ses décors, témoignant sans doute le mieux du goût particulier des Mérovingiens pour la polychromie.

Cette thèse de doctorat avait pour principal objectif l’élaboration d’une typo-chronologie des perles du nord de l’ancienne Gaule mérovingienne (Ve-VIIe siècles). Un objectif à double visée destiné, d’une part, à mettre en évidence une éventuelle évolution des associations de perles et, d’autre part, à proposer aux archéologues un outil de datation innovant et précis.

L’examen approfondi des perles d’un point de vue technologique était une condition indispensable pour espérer atteindre le degré de précision requis pour l’élaboration d’une typo-chronologie. Le recours à l’archéologie expérimentale et aux sources ethnographiques a conduit à une bien meilleure compréhension des mécanismes – souvent complexes – de la fabrication des perles.

La typologie compte 20567 perles, classées en 556 types, provenant de 6 nécropoles situées en Belgique : Beerlegem (Flandre-Orientale), Bossut-Gottechain (Brabant wallon), Broechem (Anvers), Harmignies (Hainaut), Verlaine « Oudoumont » (Liège) et Viesville (Hainaut). Les occupations sont principalement datées entre ca. 470/480 et ca. 630/640.

L’élaboration de la typo-chronologie générale a combiné deux approches : la topochronologie – méthode permettant la mise en évidence de la tendance évolutive de chaque cimetière sur la base de la répartition topographique des types de perles –, et la méthode statistique de permutation matricielle. Ce travail a permis de mettre en évidence 5 groupes d’associations communs à tous les sites, d’une durée approximative d’une quarantaine d’années chacun.

Au-delà d’un apport en matière de détermination chronologique, des analyses archéométriques – enrichies par l’étude technologique du matériel – ont permis d’avancer une série d’éléments neufs concernant l’origine et la circulation de plusieurs types de perles. Les résultats obtenus montrent que la succession des combinaisons de perles reflète en partie une évolution des mécanismes d’approvisionnement et des relations commerciales entre l’Orient et l’Occident. Ainsi, durant le dernier tiers du Ve et le premier tiers du VIe siècle, l’artisanat perlier semble peu développé en Occident. Le marché est essentiellement alimenté par des produits d’origine orientale – Proche-Orient (Egypte et côte syro-palestinienne) et, en moindre mesure, Moyen-Orient (Mésopotamie) et Asie du Sud (Inde et/ou Sri-Lanka) –, témoignant d’un maintien du grand commerce maritime et terrestre établi durant l’Antiquité. Le second tiers du VIe siècle constitue un moment-clé dans l’histoire économique et sociale de la perle. Entre ca. 530 et ca. 630, l’Europe occidentale s’affranchit de l’approvisionnement oriental et s’impose comme un centre de production autonome. Le ralentissement de ces importations à partir des années 530 pourrait répondre à un souhait d’affranchissement de l’Occident, alors que l’interruption de l’approvisionnement en perles orientales vers 630 pourrait quant à elle être liée au climat d’instabilité politique que connaît l’Empire byzantin et dont les conséquences auraient entraîné un déclin du commerce méditerranéen, particulièrement accentué dans la première moitié du VIIe siècle.

Enfin, cette étude a également abordé d’autres thématiques portant sur les usages et fonctions de cette catégorie de matériel et la réutilisation d’éléments de remploi (protohistoriques ou romains) dans les parures mérovingiennes.