Résumé : Le myélome multiple (MM) est une hémopathie maligne de la lignée B qui se manifeste par

une accumulation de plasmocytes monoclonaux dans la moelle osseuse. Le MM se caractérise par

la nature inéluctable de ses rechutes de plus en plus réfractaires au traitement. Au sein de la moelle

osseuse, les cellules malignes interagissent avec leur microenvironnement notamment composé de

cellules stromales mésenchymateuses (CSM). Les CSM apportent un soutien aux cellules

plasmocytaires (PC) malignes via des interactions cellulaires directes (VLA-4, VCAM-1, CD44,…)

ou par la production de cytokines (IL-6, SDF1, VEGF,…). De ces interactions résulte l’apparition

d’altérations constitutives au sein des MM-CSM telles qu’une production réduite de dépôts de

calcium et une augmentation de la sécrétion de nombreux facteurs (IL-6, GDF-15, etc.).

L’objectif de ce travail est de mieux caractériser les anomalies constitutives (génomiques,

prolifératives, immunomodulatrices, etc.) des MM-CSM et d'évaluer l’impact des traitements reçus

par les patients sur ces anomalies. Ces analyses permettront de mieux définir le rôle des CSM dans

la physiopathologie et la progression de la maladie afin de mettre en évidence d’éventuelles cibles

thérapeutiques.

Compte tenu de l’altération de nombreux acteurs du cycle cellulaire mise en évidence par

notre analyse du profil d’expression génique des MM-CSM après comparaison avec celui des CSM

de donneurs sains (DS-CSM), nous avons décidé d’étudier leurs capacités prolifératives. Nos

observations démontrent que a) les MM-CSM sont caractérisées par une réduction de leur

clonogénicité et par un temps de doublement plus important par rapport aux DS-CSM b) l’entrée

précoce des MM-CSM en sénescence est confirmée par l'augmentation drastique du nombre de

cellules exprimant la « senescence-associated β-galactosidase », par l’augmentation de la taille

cellulaire, par l’expression spécifique de membres du « senescence-associated secretory profile »

(SASP) et par la surexpression de TP53 et TP21, deux facteurs importants du cycle cellulaire et de

la sénescence c) l’ostéoblastogenèse des MM-CSM est altérée en raison de ce processus de

sénescence, à savoir, une réduction de la production de calcium et une hausse précoce de l’activité

de la phosphatase alcaline des MM-CSM par rapport aux DS-CSM d) l’activité de support à

l’hématopoïèse des MM-CSM est augmentée (« increased Blast-Colony Forming Cells and LongTerm Culture Initiating Cells »).

Dans la seconde partie de ce travail, on s’est intéressée plus particulièrement aux capacités

immunomodulatrices des MM-CSM. Nous avons observé, par réaction mixte lymphocytaire et

stimulation mitogénique (PHA/IL-2), a) une réduction de l’inhibition de la prolifération des

lymphocytes T activés en présence de MM-CSM par rapport aux DS-CSM b) une inversion du ratio

Th17/Treg lorsque des lymphocytes T activés sont cultivés en présence de MM-CSM par rapport

aux DS-CSM ; les mécanismes potentiellement impliqués dans ces altérations ont été investigués c)

les MM-CSM présentaient une expression anormale du CD40/40L, VCAM1, ICAM-1, LFA-3

HLA-DR et HLA-ABC et des taux d’IL-6 et d’IL-10 altérés ont été mesuré dans le milieu de

culture lorsque les lymphocytes T activés étaient cultivés en présence de MM-CSM par rapport aux

DS-CSM.

Nos résultats suggèrent que les MM-CSM entrent précocement en sénescence avec de

profondes altérations de leurs propriétés biologiques et notamment leur capacités

d'immunomodulation et de différenciation ostéogénique. Nous concluons que l’entrée en

sénescence des MM-CSM pourrait être à l’origine d’une altération du microenvironnement tumoral

qui favoriserait rechutes et résistances aux traitements.