Résumé : L’objectif global de cette étude doctorale est de relever les types de marqueurs modaux en kirundi, d’en décrire les propriétés syntaxiques et les sémantismes, et d’en déterminer la fréquence dans le corpus. Pour ce faire, elle utilise de façon complémentaire une démarche onomasiologique et sémasiologique dans le repérage et la description des marqueurs modaux. Elle est menée à partir d’un corpus du kirundi de 1,9 millions de tokens, compilé selon les règles d’équilibre et de représentativité. Celui-ci comprend, en effet, des textes appartenant à plusieurs genres/sujets et échelonnées sur 9 décennies.

Trois types de marqueurs ont été ainsi identifiés. Le plus important marqueur est l’affixe oo , auquel les descriptions traditionnelles attribuent la valeur potentielle ou conditionnelle. Il est le plus fréquent du corpus, en même temps qu’il atteste la plus large couverture en termes de valeurs modales. A ce titre, il est le morphème grammatical dédié à la modalité en kirundi. Le deuxième type de catégories est constitué d’un ensemble de verbes, dont les valeurs sémantiques et les fréquences varient de l’un à l’autre. Certains d’entre eux manifestent un degré de grammaticalisation qui nous mène à les considérer comme des auxiliaires. D’autres n’ont pas atteint ce degré. La troisième catégorie est celle des adverbes. Ils ne sont tous affectés qu’à une catégorie modale : la modalité épistémique.

L’étude a montré l’interrelation entre les catégories modales et les catégories non modales, à travers des marqueurs dont l’emploi dépasse le seul cadre modal. Ainsi, il est apparu que la directivité est attestée comme une valeur post-modale affectant des marqueurs modaux exprimant spécifiquement la nécessité déontique. La volition, quant à elle, est une valeur post-modale attestée chez des marqueurs exprimant la modalité déontique de manière générale. En ce qui est de l’évidentialité, elle affiche une proximité avec la modalité épistémique. Ce travail a aussi montré qu’en kirundi un rapport peut être établi entre la grammaticalisation et l’intersubjectification dans l’évolution des marqueurs modaux.

Cette thèse a contribué à la description d’une catégorie peu décrite dans les langues bantoues. En outre, à travers la méthode de la linguistique de corpus, elle a utilisé une démarche originale pour une langue sans tradition écrite, celle qui consiste à illustrer les phénomènes décrits par des cas issus de textes provenant des situations réelles de communication. La thèse a aussi mis en évidence les avantages qu’offre cette méthode en permettant les statistiques. Ce travail a ouvert les perspectives d’une analyse diachronique pouvant permettre de déduire l’évolution des marqueurs modaux. Par ailleurs, l’étude s’étant limitée aux cas d’affirmatif, une étude des relations entre modalité et la polarité en kirundi permettrait de prolonger l’analyse de la catégorie modale en kirundi.