Thèse de doctorat
Résumé : L'objectif de notre thèse vise à évaluer les résultats engrangés par les marchés du carbone. Afin de pouvoir explorer différents aspects des marchés du carbone à un niveau mondial et en raison de la diversité des instruments qui se cachent derrière ce vocable, nous avons choisi de réaliser une thèse par article. Sur base de nos analyses empiriques nous avons pu vérifier dans quelle mesure les avantages et les limites théoriques des marchés du carbone se sont réalisés en pratique.

Une hypothèse forte des marchés du carbone dotés d’un système de plafonnement est qu’ils permettraient de garantir le respect des objectifs climatiques. Cette hypothèse ne s’est pas révélée exacte. En générant plus d’un milliard de crédits, dont un nombre important de crédits issus de projets, et en ne parvenant pas à empêcher des défections, le système mis en place par le Protocole de Kyoto n’est pas parvenu à garantir le plafonnement des émissions dans les pays développés. Il en va de même pour les systèmes liés à Kyoto comme le système communautaire d'échange de quotas d'émissions (SCEQE).

Dans la plupart des configurations des règles ad hoc et peu transparentes ont nui à l’objectif environnemental. La comptabilité commune de différents gaz à effet de serre, malgré des incertitudes importantes sur les pouvoirs de réchauffement globaux a également été néfaste à l'intégrité du système.

Le lien à des mécanismes de projets trouvant leur légitimité dans une preuve de l’additionnalité souvent floue demeure problématique. Notre analyse a ainsi mis en avant la problématique de l'enregistrement de projets hydrauliques dont la décision de construction est antérieure aux marchés du carbone.

En théorie, le mécanisme d’échange a pour conséquence que les acteurs confrontés à des coûts de réduction faibles soient encouragés à réduire leurs émissions. Dans la pratique, notre analyse montre que peu d’acteurs connaissent leur coût de réduction marginal, empêchant dès lors la concrétisation de cet idéal d’une réduction au moindre coût. Nous avons aussi mis en avant le fait qu’un prix identique par tonne de CO2 réduite n’est pas adapté au soutien de technologies nouvelles, souvent plus onéreuses au début de leur cycle de développement.

Finalement, un des principaux mérites des marchés du carbone a peut-être été leur acceptabilité auprès des décideurs politiques et économiques. Il est manifeste que les marchés permettent d'internaliser le carbone à un niveau international sans passer par une difficile harmonisation des politiques fiscales. C'est clairement une des raisons de leur adoption rapide et dans de nombreux pays.

Les marchés du carbone ont aussi joué un rôle important en matière de sensibilisation aux changements climatiques. Ils ont permis de faire progresser la comptabilité carbone et la compréhension des technologies sobres en carbone.

L’effondrement récent du prix du carbone montre que ce nouvel instrument qui, en théorie, est efficace pour atteindre un objectif de réduction prédéfini, ne permet pas, dans la pratique, par manque d’ambition ou en raison d’erreurs dans la conception, de financer la transition vers une nouvelle économie sobre en carbone. Il apparaît dès lors nécessaire de réformer cet instrument mais aussi de développer progressivement des alternatives afin de ne pas uniquement faire reposer la réussite de l’atteinte des objectifs climatiques sur les seuls marchés du carbone et ainsi augmenter la résilience des politiques climatiques aux aléas de marchés financiers, par ailleurs eux-mêmes soumis à de nombreux tourments depuis 2008.