Résumé : Un nouveau domaine de recherche a vu le jour à la fin du XXe siècle, celui de l’électronique organique provenant de l’union des propriétés de l’électronique avec celles des matériaux semiconducteurs organiques. Les principaux avantages technologiques des matériaux organiques proviennent de leur facilité de mise en œuvre (par exemple : l’impression à pression et température ambiantes) et de leur flexibilité mécanique en comparaison au silicium qui est le matériau semiconducteur le plus utilisé au monde. En raison de ces avantages, de nombreuses perspectives d’applications ont été envisagées telles que les écrans flexibles, l’éclairage à partir de grandes surfaces ou encore les cellules photovoltaïques flexibles. Les performances des semiconducteurs organiques sont actuellement moins bonnes que celles du silicium, mais ont fait des progrès spectaculaires depuis ces dernières années. Les performances des semiconducteurs organiques dépendent de l’efficacité avec laquelle les charges se déplacent dans les matériaux π-conjugués ; le paramètre clé qui caractérise le transport de charges est la mobilité, µ. En raison de l’extraordinaire diversité de structures moléculaires accessibles par la synthèse organique, les performances peuvent espérer un jour approcher celles du silicium, car il n’existe à ce jour pas de limite supérieure imposée à la mobilité des charges dans les matériaux organiques. Dans ce contexte, la contribution des chimistes consiste à développer de nouvelles molécules et macromolécules organiques donnant lieu à des matériaux aux performances toujours accrues. Un aspect important à améliorer est la dimensionnalité du transport de charges qui est comprise entre 1 et 3. En effet, plus celle-ci est faible, plus le transport de charges sera sensible aux défauts.

Au cours du présent travail, nous nous sommes intéressés à l’amélioration du transport de charges en augmentant la dimensionnalité de ce dernier. Cette approche est basée sur les études théoriques du Dr Antoine Van Vooren relevant du couplage électronique par un pont covalent, mais non conjugué entre des systèmes π tels que les oligothiophènes. En effet, selon ces travaux, le couplage électronique entre deux systèmes π est plus important lorsqu’ils sont reliés par un pont éthylène que lorsqu’ils sont isolés. Le pont permet dès lors le transport de charges dans une nouvelle dimension, favorisant ainsi le transport de charges. L’objectif principal de cette thèse consiste à réaliser la synthèse d’oligo- et polythiophènes pontés par des liens éthylènes et d’en étudier les propriétés afin de contribuer à la démonstration expérimentale qu’un pont covalent entre systèmes π aide au transfert de charges. L’étude a porté sur deux systèmes : le système 1 dans lequel le noyau aromatique est un 2,2’:5’,2’’:5’’,2’’’-quaterthiophène et le système 2 dans lequel le noyau aromatique est un 2,5-bis(thiophèn-2-yl)thiéno[3,2-b]thiophène. Les dimères D1 et D2, servant de systèmes modèles, sont étudiés dans le deuxième chapitre tandis que les polymères P1 et P2, permettant de conclure sur l’effet du pont, sont étudiés dans le chapitre trois.

Une stratégie de synthèse menant au dimère D1, à l’échelle du gramme, a été développée et les quantités recueillies ont permis d’étudier les propriétés de ce dimère. Cependant, nous n’avons pas pu obtenir de monocristaux D1, faillant ainsi à l’étude de la conformation du pont. Une stratégie de synthèse menant au dimère D2 a été développée bien que les quantités recueillies fussent faibles. Le peu de dimère D2 obtenu rendit l’étude des propriétés de ce dernier compliquée et lacunaire. Suite à l’absence d’information sur la conformation du pont des systèmes modèles, d’autres systèmes pontés, présentant une structure chimique proche, de celle des dimères ont été développés. L’efficacité des voies de synthèse imaginées pour obtenir ces composés ainsi que leurs capacités à cristalliser ont permis d’étudier la conformation du pont de ces nouveaux systèmes pontés. Nous avons pu en conclure que de faibles changements de la structure chimique engendrent des changements significatifs sur la structure cristalline ; rendant difficile la prédiction des structures cristallines des molécules cibles.

Une voie de synthèse menant au polymère P1 a été développée par couplage de Stille en guise de polymérisation, suite à d’infructueux essais via le couplage de Yamamoto. Les quantités recueillies ont permis d’étudier les propriétés de ce polymère. Nous avons ainsi pu constater que le polymère P1 présente un large domaine de stabilité thermique, mais qu’il est complètement amorphe. Néanmoins, le niveau de la HOMO fait de lui un bon candidat pour le transport de trous. Le polymère P2 a été synthétisé selon la même voie de synthèse et nous avons pu observer les mêmes propriétés que celles du polymère P1.

L’analyse des propriétés spectroscopiques des polymères P1 et P2 ne nous a pas apporté de preuve de la délocalisation des charges le long de la chaine de polymère. En effet, nous avons mis en évidence un effet d’agrégation et un effet de couplage excitonique des polymères qui a pour conséquence de modifier les propriétés caractéristiques des spectres d’absorption et d’émission dans le domaine UV-vis. Nous avons ensuite étudié leurs propriétés de transport de charges dans des transistors. Cependant, les résultats furent décevants en raison de l’absence d’un ordre cristallin au sein des polymères, ceci indépendamment de la méthode de déposition utilisée. Au final, nous n’avons pas de preuve définitive de l’effet du pont sur le transport de charges. Nous espérons que les tentatives de cristallisation des polymères porteront leurs fruits afin qu’une conclusion sur l’effet du pont éthylène entre deux systèmes π puisse être tirée dans un avenir proche.