Résumé : La transition du patient entre les secteurs de soins est une période à haut risque de discontinuité de la prise en charge médicamenteuse. Les problèmes liés aux médicaments spécifiquement rencontrés résultent principalement de différences non expliquées entre les traitements médicamenteux documentés aux niveaux des différents sites de soins et/ou des différents professionnels de la santé, également appelés discordances médicamenteuses médicalement non justifiées. Leur survenue peut entrainer des préjudices pour le patient mais aussi une utilisation accrue des services de soins de santé et par conséquent une augmentation des coûts.

Dans ce contexte, la première partie de ce travail est consacrée à la mise au point d’un instrument valide et fiable permettant de caractériser les discordances médicamenteuses médicalement non justifiées lors de la sortie de l’hôpital. Il s’avère particulièrement bien approprié pour la recherche ou pour la familiarisation à la problématique. La deuxième partie de ce travail a permis de mettre en œuvre cet outil dans une situation clinique réelle. Une étude prospective d’observation incluant des patients recevant les soins usuels (groupe contrôle) et des patients pris en charge par des pharmaciens cliniciens (groupe intervention) a été réalisée. L’intervention des pharmaciens cliniciens comportait la réalisation d’une conciliation médicamenteuse à l’admission et à la sortie de l’hôpital. La conciliation médicamenteuse est un processus structuré pendant lequel le professionnel de santé collabore avec le patient, la famille et les proches pour s’assurer qu’une information correcte et exhaustive sur les médicaments est communiquée lors de la transition du patient entre les secteurs de soins. Elle consiste en la vérification (collecte d’un historique médicamenteux correct et l’identification des discordances médicamenteuses), la clarification (s’assurer que les médicaments et la posologie sont appropriés), la conciliation (documentation de chaque changement de médicament et éducation du patient à ce sujet) et finalement le transfert d’information aux autres professionnels de santé. Les résultats montrent que l’intervention des pharmaciens cliniciens diminue le risque de discordances médicamenteuses médicalement non justifiées après la sortie de l’hôpital. De plus, la satisfaction des patients vis à vis de l’information sur les médicaments prescrits à la sortie est significativement plus élevée dans le groupe pris en charge par le pharmacien clinicien. Cependant, aucun impact n’a été montré sur l’utilisation des services de soins (visites aux urgences et réadmission à l’hôpital) dans le mois après la sortie. Finalement, la dernière partie de ce travail a permis de développer une information sur les médicaments destinée aux pharmaciens d’officine à la sortie de l’hôpital du patient. Une étude prospective a évalué l’effet de la remise de cette information, dénommée feuille de transfert, par le pharmacien clinicien au patient. Une enquête en ligne ouverte à tous les pharmaciens d’officine a par ailleurs évalué leurs besoins en information. Il a été observé que la communication d’une feuille de transfert contenant des informations sur le traitement médicamenteux à la sortie de l’hôpital présente un réel intérêt pour le pharmacien d’officine. Ces informations vont en effet au-delà des informations retrouvées sur une prescription médicale. Néanmoins, la feuille de transfert devrait inclure davantage d'informations nécessaires pour la réalisation des soins pharmaceutiques.

En conclusion, ce travail a permis de développer, d’une part, un nouvel outil de détection et de classification des discordances médicamenteuses médicalement non justifiées et d’autre part, un modèle de pratique qui a montré son efficacité sur la continuité des traitements médicamenteux lors de la sortie des patients de l’hôpital à leur domicile, en maison de repos et en revalidation. Toutefois, des perspectives d’amélioration de ce modèle ont été mises en évidence et mériteraient une attention particulière dans le futur.